2014


2014


26 avril 2014
Il y a six mois, j’ai pris la décision d’enlever ce journal de mon site internet « privé ». Après réflexion, livrer ainsi mes notes de lecture et réflexions à l’océan de la Toile semblait légèrement indécent et prétentieux. Et ainsi fut fait. Deux résultats : personne n’a fait de commentaires, donc personne ne me lisait, deuxièmement j’ai arrêté d’écrire ce « journal » : la petite tension que peut-être quelqu’un quelque part un jour pourrait en lire quelques lignes était juste ce qu’il me fallait pour maintenir cette discipline par ailleurs excellente. Donc je recommence ce salmigondis, et je le remets sur la toile…
27 avril 2014
Participé pendant le week-end de Pâques, au tournage d’un court métrage, en fait une espèce de clip, film muet avec le son donné par une très belle chanson de Nicolas Vivier, qui espère se faire connaître un peu mieux par ce film. J’ai joué un personnage très sympathique , qui tombe amoureux à distance de la mer, et qui part à l’aventure… Et je devais faire du vélomoteur, ce que je n’ai pas fait depuis cinquante ans, et courir après un train… Pas facile…Ah ! la vieillesse…
« Le soleil ni la mort ne peuvent se regarder en face ». De qui est cette phrase, je ne me souviens plus. Un penseur français du 17ème siècle je crois. Metum mori. La mort, on y pense de temps en temps, pas trop. Mais la vieillesse nous tombe dessus sans aucune préparation. On s’imagine toujours vieillard en pleine forme, gravissant les montagnes et jouant avec les petits-enfants, cheveux gris certes, mais visages bronzés et tout. La vieillesse m’a agressé un jour, je ne m’y attendais pas, comme le dit Borges, à peu près. Les articulations font mal, on n’arrive plus à courir, on a envie de rester assis, on n’a plus la pêche du tout…
28 avril 2014
Metum mori. On dit que le sage ne craint pas la mort,  c’est ce que dit Sénèque, à plus soif. Absurde. Tout le monde a peur de la mort. Brassens, Lino Ventura, tous… Entendu Lucchini à Paris il y a quelques jours dans son spectacle consacré à Céline, avec comme toujours quelques fables de La Fontaine intercalées à la fin, dont notamment celle intitulée La Mort et le Mourant, et qui commence ainsi :
« La mort ne surprend pas le sage
Il est toujours prêt à partir »
Voici qui est beaucoup plus raisonnable. Le sage craint la mort, mais il sait qu’il doit être toujours prêt à partir…Cette pensée rejoint Montaigne :
« On ne sait pas où la mort nous attend, attendons-la partout. »
29 avril 2014
J’ai découvert dans un récent voyage en Grèce  un troisième lieu qui dégage pour moi un intense sentiment de spiritualité. Le Héraion de Perachora ,  situé au bout de la route qui part vers l’ouest depuis Loutraki. Sentiment de spiritualité… La spiritualité a évidemment sa source dans la religion, et il est difficile de s’imaginer une spiritualité athée, quoique Comte Sponville s’y emploie dans son livre : L’Esprit de l’athéisme : Introduction à une spiritualité sans Dieu. Comte Sponville trouve cette spiritualité dans l’émotion qui nous gagne parfois dans la contemplation de la nature : un sentiment océanique, en quelque sorte, tellement décrié par les marxistes. Personnellement, sans aucune honte, le sentiment de spiritualité me touche dans des endroits très religieux : Vézelay, la Mosquée bleue, et Héraion. Et pourquoi pas : on ne peut pas nier que le sentiment religieux est très profondément ancré dans nos gènes, depuis des centaines de milliers d’années, et il peut subsister quelle que soit notre opinion sur les options religieuses...
30 avril 2014
Lu l’excellent livre de Joelle Kunz : La Suisse ou le génie de la dépendance, paru dans les éditions Zoé. L’auteur touche en fait plusieurs thèmes : le thème principal est que l’indépendance, dont les Suisses sont tellement fiers, n’existe qu’en relation avec l’interdépendance par rapport aux autres Etats. » La dépendance, contrairement au culte qu’on lui rend, est un lien » (p.10), Et notre pays a toujours et très habilement su faire les concessions nécessaires pour subsister face aux Etats qui l’entourent. L’abandon très rapide du secret bancaire, que certains voulaient mettre même dans la Constitution, en est un exemple récent. Subsister ? Pour préserver quoi ? Qui sommes-nous en réalité, les Suisses ? C’est un deuxième thème qui apparaît en filigrane dans le livre. Et un troisième thème peut-être qui m’a particulièrement amusé : que pensent les autres des Suisses, et de la place de notre pays dans l’ordre des nations ?
Commençons par ce troisième thème, auquel je vais ajouter quelques références propres.
1 mai 2014
La fête du travail. Les Suisses la fêtent en travaillant. En 1964, lors de l’exposition suisse à Lausanne, on a organisé un sondage un peu fantaisiste, dans lequel on demandait en particulier : « est-ce qu’on peut être un bon Suisse en se levant à 9h00 du matin ? »  Les résultats de ce sondage avaient été censurés par le Conseil Fédéral !
Revenons au ivre de Kunz. On y trouve les jugements suivants sur la Suisse et sa place dans le concert des nations :
Alexis de Tocqueville (p.67) : « ..rien n’égale l’orgueil et la présomption des Suisses. Il n’y a pas un de ces paysans qui ne croie fermement que son pays est en état de braver tous les princes et tous les peuples de la terre.. »
Pour Metternich (p.43) : « Il est erroné de penser que tout pays est libre de se constituer à volonté dans l’enceinte que les traités ont tracée à son existence géographique. »
Autrement dit l'indépendance et la neutralité ont été octroyées par les puissances, dans leur intérêt.
2 mai 2014
Continuons avec le  livre de Kunz. Qui sommes-nous les Suisses ? Kunz passe rapidement sur l’Acte de Médiation, un moment-clef de l’histoire suisse, et qui a fait de notre pays l’ébauche d’un Etat moderne. La Suisse n’est en tous les cas que très partiellement la plus vieille démocratie du monde. A part les cantons primitifs, et Appenzell, où se tenaient des Landsgemeinde, le reste de la Suisse avait une tradition démocratique très limitée.
1.    Dans les petits cantons ruraux en Suisse centrale (Uri, Schwyz, Unterwalden, Glaris) et à Appenzell il existait les "Landsgemeinden", [réunions des citoyens à intervalles réguliers] où on élisait le gouvernement et décidait des affaires importantes. Mais un petit nombre de familles en dirigeait effectivement la politique.
2.    Les citoyens des villes avaient le droit d’élire leurs conseils, mais seulement les membres d'un petit nombre de familles étaient éligibles, soit sous la forme du patriciat (Berne, Soleure, Fribourg, Lucerne) ou bien sous la forme des corporations des maîtres-artisan (Zürich, Bâle, Schaffhouse).
3.    La grande majorité du peuple - les paysans des cantons de Zürich, Berne, Lucerne, Zoug, Fribourg, Soleure, Bâle et Schaffhouse ainsi que les habitants des territoires assujettis d’Argovie, Thurgovie et Vaud n'avaient aucun droit politique.
4.    Dans toute la Suisse on n'avait ni liberté de commerce ni liberté de presse.
La République Hélvétique, instituée en 1798, sur le modèle français n’eut guère de succès. L’Acte de Médiation de Napoléon, reconnut un des caractères fondamentaux de notre pays : celui d’être une juxtaposition assez hétéroclite de langues, caractères, religions, traditions, très difficile à gouverner de manière centralisée. Comme le dit Napoléon dans une phrase célèbre :  "La Suisse ne ressemble à aucun autre État, soit par les événements qui s'y sont succédé depuis plusieurs siècles, soit par la situation géographique, soit par les différentes langues, les différentes religions, et cette extrême différence de mœurs qui existe entre ses différentes parties. La nature a fait votre État fédératif, vouloir la vaincre n'est pas d'un homme sage"
3 mai 2014
Jugements sur la Suisse :
Le fameux poème de Joachin du Bellay :
La terre y est fertile, amples les édifices,
Les poêles bigarrés, et les chambres de bois,
La police immuable, immuables les lois,
Et le peuple ennemi de forfaits et de vices.

Ils n'ont jamais changé leurs habits et façons,
Ils hurlent comme chiens leurs barbares chansons,
Ils content à leur mode et de tout se font croire :

Ils ont force beaux lacs et force sources d'eau,
Force prés, force bois.
4 mai 2014
Jugements sur la Suisse :
La Suisse est-elle le berceau de la démocratie et de la liberté ? Pour la démocratie, il y a évidemment les Landsgemeinde, mais elles ne concernent que quelques petits cantons campagnards. Et on ne sait pas vraiment qui dirigeait réellement ces communes. Mais jusqu’en 1848, la plus grande part de la Suisse était régie par des grandes familles aristocratiques. Le philosophe Engels est cependant un des seuls à critiquer l’enthousiasme qu’a suscitée en Europe la légende de Guillaume Tell. Dans un passage cité par Kunz dans son livre : L’histoire suisse en un clin d’œil. Je cite :  » enfin on en aura fini d’exalter le berceau de la liberté , les descendants de Tell. Le berceau de la liberté n’est rien d’autre que le centre de la barbarie et la pépinière des jésuites. C’est un réel bonheur que la démocratie européenne se débarrasse enfin de ce poids helvétique vertueux et réactionnaire. »
6 mai 2014
Lu dans le Monde du 6 mai un portrait de José « pepe » Mujica président de l’Uruguay, un homme hors du commun, qui a récemment légalisé la Marijuana. Vit simplement dans sa petite ferme des environs de Montevideo, donne plus de 95% de son salaire à des ONG. Cite une phrase de Sénèque :
Pauvres sont ceux qui ont besoin de beaucoup, car rien ne peut les satisfaire
Ou une autre de je ne sais pas qui : « Vous savez ce que c’est de vieillir? Ne plus avoir envie de sortir de chez soi »  Oh ! que oui.
7 mai
A la mort récente de Jacques Le Goff, on a écrit que son chef-d’œuvre était La naissance du purgatoire. J’ai donc acheté et essayé de lire ce livre. Arrivé jusqu’à la  moitié. Brrr… Très intéressant mais un peu long. Et très répétitif. On y apprend quand même beaucoup de choses intéressantes. Ainsi que l’idée d’un feu purificateur après la mort date de bien avant le christianisme. St Augustin était avant tout un exégète, qui sondait infatigablement les Ecritures pour essayer d’y trouver la vérité. De St Augustin on peut citer un texte admirable où il implore Dieu de pardonner à sa mère récemment défunte. En lisant ce texte, on a l’impression que cette dame, malgré toutes ses bonnes œuvres, était une sacrée méchante femme…St Thomas se pose la question élémentaire : comment faire souffrir par le feu une âme séparée de son corps ?  Sa réponse ? On doit la doter d’une certaine matérialité sui generis, pour qu’elles puissent souffrit convenablement du feu. Ce qui est le plus étonnant dans cette histoire, c’est la recherche d’un lieu : le Purgatoire , de même que l’Enfer et le Paradis se trouvent, dans l’univers physique, dans un lieu précis, sous la terre, ou dans un volcan etc Et certains passeront beaucoup d’efforts à essayer de localiser ces lieux…

8 mai
Lu dans Le Monde du 7 mai un article assez terrifiant sur le futur de l’intelligence artificielle.
Ray Kurzweil, prédit que nous utiliserons des nanorobots intracérébraux branchés sur nos neurones pour nous connecter à internet vers 2035 ! Et qu’on sera bien obligés d’utiliser ces connexions pour rester compétitifs dans le monde du travail…
24 juin

Lu avec plaisir le dernier livre d’Ormesson : Comme un chant d’espérance. Quelques inexactitudes sur la physique, mais qu’importe ! Ce brave d’Ormesson n’a aucune envie de mourir, comme tout le monde, et il cherche une espérance qu’il existe encore autre chose après la mort…Il est étrange de chercher un sens à la vie individuelle, alors que ce sens est évident : vivre la vie telle qu’elle est, aimer les personnes qui nous entourent, admirer cette planète, essayer de comprendre l’univers, que demander de plus ? Et laisser élégamment la place à ses petits enfants en espérant qu’ils en jouissent autant que nous. « Et que l’on sortît de la vie, ainsi que d’un banquet, remerciant son hôte.. ».
A la fin il cite le texte de desiderata, très célèbre au temps des hippies, mais il reprend la légende que ce texte a été écrit au 17ème siècle et retrouvé dans une église St Paul. Cette légende est née d’une erreur de lecture. En fait le texte a été écrit par Max Ehrmann, un poète américain, en 1927. Le pasteur de l’église St Paul à Baltimore l’inclut dans une compilation de textes à l’intention de ses fidèles. A la fin de cette compilation, il avait écrit : "Old Saint Paul's Church, Baltimore A.D. 1692". D’où la confusion, qui continue à se propager aujourd’hui. Mais une lecture attentive de ce texte rend totalement impossible qu’il ait été écrit en 1692. Beaucoup trop moderne.
Voici le texte:
Go placidly amid the noise and haste,
and remember what peace there may be in silence.
As far as possible without surrender
be on good terms with all persons.
Speak your truth quietly and clearly;
and listen to others,
even the dull and the ignorant;
they too have their story.
Avoid loud and aggressive persons,
they are vexations to the spirit.
If you compare yourself with others,
you may become vain and bitter;
for always there will be greater and lesser persons than yourself.
Enjoy your achievements as well as your plans.
Keep interested in your own career, however humble;
it is a real possession in the changing fortunes of time.
Exercise caution in your business affairs;
for the world is full of trickery.
But let this not blind you to what virtue there is;
many persons strive for high ideals;
and everywhere life is full of heroism.
Be yourself.
Especially, do not feign affection.
Neither be cynical about love;
for in the face of all aridity and disenchantment
it is as perennial as the grass.
Take kindly the counsel of the years,
gracefully surrendering the things of youth.
Nurture strength of spirit to shield you in sudden misfortune.
But do not distress yourself with dark imaginings.
Many fears are born of fatigue and loneliness.
Beyond a wholesome discipline,
be gentle with yourself.
You are a child of the universe,
no less than the trees and the stars;
you have a right to be here.
And whether or not it is clear to you,
no doubt the universe is unfolding as it should.
Therefore be at peace with God,
whatever you conceive Him to be,
and whatever your labors and aspirations,
in the noisy confusion of life keep peace with your soul.
With all its sham, drudgery, and broken dreams,
it is still a beautiful world.
Be cheerful.
Strive to be happy.
25 juin

Et voici une excellente version en français

Desiderata
dit par Jean Coutu

Va paisiblement ton chemin à travers le bruit et la hâte et souviens-toi que le silence est paix.
Autant que faire se peut et sans courber la tête, sois ami avec tes semblables; exprime ta vérité calmement et clairement; écoute les autres même les plus ennuyeux ou les plus ignorants.
Eux aussi ont quelque chose à dire.
Fuis l'homme à la voix haute et autoritaire; il pèche contre l'esprit.
Ne te compare pas aux autres par crainte de devenir vain ou amer car toujours tu trouveras meilleur ou pire que toi.
Jouis de tes succès mais aussi de tes plans.
Aime ton travail aussi humble soit-il car c'est un bien réel dans un monde incertain.
Sois sage en affaires car le monde est trompeur.
Mais n'ignore pas non plus que vertu il y a, que beaucoup d'hommes poursuivent un idéal et que l'héroïsme n'est pas chose si rare.
Sois toi-même et surtout ne feins pas l'amitié: n'aborde pas non plus l'amour avec cynisme car malgré les vicissitudes et les désenchantements il est aussi vivace que l'herbe que tu foules.
Incline-toi devant l'inévitable passage des ans laissant sans regret la jeunesse et ses plaisirs.
Sache que pour être fort tu dois te préparer mais ne succombe pas aux craintes chimériques qu'engendrent souvent fatigue et solitude.
En deçà d'une sage discipline, sois bon avec toi-même.
Tu es bien fils de l'univers, tout comme les arbres et les étoiles.
Tu y as ta place.
Quoique tu en penses, il est clair que l'univers continue sa marche comme il se doit.
Sois donc en paix avec Dieu, quel qu'il puisse être pour toi; et quelle que soit ta tâche et tes aspirations dans le bruit et la confusion de la vie, garde ton âme en paix.
Malgré les vilenies, les labeurs, les rêves déçus la vie a encore sa beauté.
Sois prudent. Essaie d'être heureux.
Max Ehrmann
30 juin

Vu une critique dans NYRB du 10.07.14 sur un livre qui discute du sens de l’humour chez les Romains (Mary Beard  Laughter in ancient Rome : on Joking, Tickling, and Cracking Up. University of Califormia Press). Le livre semble extrêmenent intéressant,car il traite du sujet très difficile des différences culturelles, telles qu’elles peuvent se manifester en particulier dans le sens de l’humour. Il semble qu’il existe des compilations d’histoires drôles datant de l’Empire. Idée intéressante : comprendre une civilisation par son sens de l’humour..Un exemple : un intello (scholastikos) , un coiffeur et un homme chauve se retrouvent compagnons de voyage. De nuit, chacun veille à son tour. Pour passer le temps, le coiffeur rase les cheveux de l’intello pendant son sommeil. Quand celui-ci est réveillé pour son tour de veille, il passe les mains sur son crâne et s’écrie : cet imbécile de coiffeur. Il a réveillé le chauve au lieu de me réveiller moi !
 4 juillet
Thème récurrent : qu’est-ce que la poésie ?
Shakespeare, A Midsummer’s night dream, 5.1.6
The lunatic, the lover, and the poet
Are of imagination all compact:
One sees more devils than vast hell can hold ;
That is the madman. The lover, all as frantic,
Sees Helen’s beauty in a brow of Egypt.
The poet’s eye, in a fine frenzy rolling,
Doth glance from heaven to earth, frome earth to heaven ;
And as imagination bodies forth
The form of things unknown, the poet’s pen
Turns them to shapes, and gives to airy nothing
A local habitation and a name.

5 juillet
Vu une pièce intitulée « La boîte à biscuits » d’une troupe d’amateurs : pose la question des vieux de plus de 75 ans, dont une société future se débarrasse pour éviter la charge financière. Problématique éculée hélas…
Autre livre sur les méduses (voir entrée du 24 septembre) : Philippe Cury   Mange tes méduses  Odile Jacob 2013.

7 juillet
Thème récurrent : les dernières paroles. Certaines sont célèbres. J’aime celles du grammairien du 17ème siècle, Dominique Bouhours : Je m’en vais ou je m’en vas, l’un ou l’autre se dit, ou se disent.
Ou bien de Voltaire, à qui un prêtre disait de renoncer à Satan et à ses œuvres : Ce n’est pas le moment de s’en faire un ennemi.
Ou bien de je ne sais plus qui : Je m’ennuie déjà.
Ou de Villiers de l’Isle d’Adam  Eh ! bien je m’en souviendrai de cette planète.
8 juillet
Peter Brook, le célèbre metteur en scène, a écrit un livre passionnant sur Shakespeare (The Quality of Mercy): dans le premier chapitre il traite de manière originale le problème irritant : Shakespeare l’acteur-metteur en scène-directeur de théâtre a-t-il écrit les pièces. Brook relève que cette controverse n’a commencé que très tard, à la fin du 19ème siècle, pas une trace chez les contemporains. Or il est impossible pour un metteur en scène de faire semblant qu’une pièce est de lui, alors qu’elle est de quelqu’un d’autre. En cours de mise en scène, mille questions se posent sur l’interprétation des textes, leur modification éventuelle , la mise en musique des chants etc Les acteurs avaient sûrement mille suggestions à faire et ils auraient vite compris qu’il y avait maldonne. Comme Leonard de Vinci, né dans un petit village de campagne, il faut admettre que Shakespeare était un génie né dans un milieu modeste. Brook souligne également que l’éducation était d’un très bon niveau dans l’Angleterre élizabéthaine.
9 juillet
Peter Brook discute le personnage de King Lear. Pour lui le drame de Lear est qu’il doit détruire les parois qu’il a construites autour de lui-même pendant quatre-vingt ans de vie d’autocrate, et découvrir la réalité du monde et de lui-même, avec l’aide de Kent, du Fou et de Gloucester. Au début, Lear est un tyran insupportable et impatient, et, au cours de la pièce, il découvre la compassion, et se découvre lui-même. A la fin, il doit passer par la folie pour retrouver ce qu’il est au plus profond de lui-même. Les parois autour de lui-même font évidemment penser à The Wall, des Pink Floyd.
10 juillet
Apprendre l’anglais vaut la peine de l’effort, ne serait-ce que pour pouvoir lire Shakespeare. A ceux qui me parlent de Shakespeare en français, je réponds toujours : est-ce que vous supporteriez Racine en allemand ? Je découvre ces jours les sonnets de Shakespeare. Quelle merveille !
Ecrit une lettre à Jean d’Ormesson pour lui faire deux remarques sur son livre :

11 juillet
C’est une chance de ne pas avoir de talent bien fixé : on est libre d’explorer le monde entier des connaissances et des arts. J’ai connu bien des scientifiques célèbres qui cherchaient désespérément à retrouver la créativité de leur jeunesse. Einstein lui-même aurait pu aller pêcher le reste de sa vie, selon la phrase célèbre. A part sa publication sur l’interprétation de la mécanique quantique, il ne produisit plus rien de 1920 à 1950, mais il cherchait infatigablement cette théorie universelle. De même les montagnards célèbres sont condamnés à rechercher les parois les plus difficiles, les sommets les plus inaccessibles, alors que le montagnard modeste peut tranquillement gravir tous les 4000 des Alpes, par la voie normale, bien sûr.
12 juillet
Et à la retraite, on peut enfin se disperser autant qu’on veut, lire un petit bout d’un livre, un petit bout d’un autre, passer de la biologie à la physique à la poésie à l’oisiveté sans regrets ni mauvaise conscience. Montaigne dans son chapitre sur l’oisiveté cite cette phrase magnifique de Virgile. D’abord, il écrit : « ainsi en est-il des esprits. Si l’on ne les occupe pas à un certain sujet, qui les bride et les contraint, ils se jettent sans retenue, par-ci, par-là, dans le champ vague des imaginations. »
Puis, de Virgile : »Semblable à la lumière du soleil ou de la lune, qui, réfléchie de la surface tremblante d’une eau agitée dans une cuve d’airain, voltige çà et là, s’élève et va frapper le haut du plafond. »
Je me vois assez comme ce plafond…
13 juillet
Qu’est-ce qui peut bien pousser les vieillards à apprendre le grec ? Caton l’ancien s’y est mis à 80 ans, pourquoi pas moi ? Je viens d’apprendre qu’un de mes amis a décidé d’apprendre le grec. Mais d’abord, grec ancien, ou grec moderne ? Il semble qu’ils sont suffisamment semblables pour que sachant l’un ou comprenne l’autre. Quelqu’un m’a conseillé de commencer avec le grec moderne, et j’en suis à la leçon 36 de mon cours Assimil. Mais je crois que je vais revenir au Grec ancien, pour pouvoir lire l’Iliade. Vaste programme, dirait de Gaule.
Mais, en ce qui me concerne, c’est plutôt un retour à la jeunesse. Ma jeunesse à moi, avec tout le grec appris au Collège, mais aussi l’enfance de notre civilisation dont presque tout est sorti. On me dira : Sumer, Gilgamesh, la Bible, mais quand même je préfère Thalès, Parménide et Platon… et l’Acropole…Sumer a des équivalents en Chine, et en Amérique, et ailleurs. Phidias, Aristote et Pythagore n’ont d’équivalents dans aucune autre civilisation.
14 juillet
Bizarre cette obsession militaire dans la fête nationale française. Dans un pays qui a perdu presque toutes les guerre du 20ème siècle…Justement, justement…

15 juillet
Thème récurrent no5 : Opinion sur la Suisse ou les Suisses. De Montaigne : la « Suisse, nation peu vaine et mensongère », dans le chapitre 21, De la force de l’imagination.
Je lis un livre intéressant sur la question oh combien délicate des différences génétiques entre différentes « races » humaines (A troublesome inheritance, de Nicholas Wade) qui vient de paraître. J’y apprends que les extrême-asiatiques ont une moyenne IQ de 5 points supérieure à celle des Caucasiens. La thèse de ce N.Wade, est que la sélection naturelle continue à œuvrer aujourd’hui, et a œuvré de manière significative depuis que l’humanité s’est dispersée sur la surface du globe.
16 juillet
Mon beau-père aimait dire que chacun d’entre nous avait suffisamment d’ennemis et qu’il fallait éviter de se mettre dans leur camp, ne pas devenir son propre ennemi. J’ai retrouvé la même pensée chez Shakespeare, dans Much Ado about Nothing 5.1 :
« If you go on thus , you will kill yourself
And ‘tis not wisdom thus to second grief
Against yourself »
D’une lettre écrite à un ami il y a un certain temps, je recopie cette citation, je ne sais plus de qui (citation retrouvée : Paolo Sorrentino, Hanno tutti ragione):


« Tutto quello che non sopporto ha un nome.
Non sopporto i vecchi. La loro bava. Le loro lamentele. La loro inutilità.
Peggio ancora quando cercano di rendersi utili. La loro dipendenza.
I loro rumori…..

Ma non sopporto i giovanni. La loro arroganza. La loro ostentazione di forza e gioventù……

Non sopporto niente e nessuno.
Neanche me stesso.Soprattuto me stesso.
Solo una cosa sopporto.
La sfumatura. »
17 juillet
Voici un article tiré du Monde, qu’il vaut la peine de copier en entier :
Guerre de Troie : Homère disait-il vrai ?
LE MONDE CULTURE ET IDEES | 17.07.2014

Faites un effort. Essayez de vous remémorer les dates exactes des deux dernières guerres du Golfe – sans sortir votre smartphone. Réfléchissez. Vous souvenez-vous de l’enchaînement des principaux événements des deux conflits ? Du nom de quelques-uns de leurs protagonistes ? Ce général américain au visage poupin et sévère, par exemple, qui dirigea la première coalition contre Saddam Hussein. Ou ce ministre irakien de l’information qui, au cours du second conflit, ne cessa de clamer la victoire de son camp qu’au moment de prendre ses jambes à son cou, et qui fit tristement rire la terre entière pendant quelques jours ? La probabilité est forte que, à au moins une de ces questions, vous ne puissiez répondre. Et ce, alors que ces événements remontent à moins de trois décennies…
Comment, alors, penser sérieusement qu’Homère, homme du VIIIe siècle avant notre ère, un homme de l’âge du fer, ait pu réciter la moindre vérité à propos d’une guerre qui se serait tenue quatre ou cinq siècles plus tôt, à la fin de l’âge du bronze ? « Homère n’écrit pas de la littérature de fiction dans le sens moderne du terme, explique le grand homériste Joachim Latacz (université de Bâle). Il n’a pas toute liberté pour choisir la trame et la forme de son œuvre. Il est le dernier représentant d’un genre littéraire : la poésie orale improvisée en public dans une forme donnée, en vers hexamétriques, et qui raconte des histoires anciennes traditionnelles. »
Homère n’écrit pas un roman dans le sens moderne du terme, mais comment le savoir ? Comment montrer qu’il y a, dans l’Iliade, une part de mémoire, de cette tradition orale dont Homère est l’un des derniers dépositaires ? Dans les années 1920 et 1930, un jeune linguiste américain, Milman Parry, a trouvé des premiers éléments de réponse à cette question. Il a fait pour cela un léger détour, dans l’espace et dans le temps. Pour comprendre Homère, Milman Parry s’est intéressé aux bardes yougoslaves – les guslari –, qui chantaient encore en public, dans la première moitié du siècle dernier, les histoires traditionnelles des Balkans.
LES HOMÉRISTES FASCINÉS
Les analogies découvertes par le linguiste américain ont immédiatement fasciné les homéristes. Homère, en bon barde grec (aède), chantait aidé de la lyre ; les guslari des Balkans chantent au son de la gusla, un instrument à une corde frottée. Et comme Homère chantait la guerre de Troie, les guslari chantent la bataille du Kosovo. Cet affrontement entre les chevaliers chrétiens du prince Lazare et les troupes du sultan Mourad est un événement historique majeur. Le 28 juin 1389, au lieu-dit du Champ-des-Merles, a lieu la défaite héroïque des Serbes face à l’immense armée ottomane qui marque la fin de la domination de la Grande Serbie sur l’Europe du Sud. Dans la bataille, le prince Lazare est tué, ainsi que la majorité de ses nobles cavaliers. Quant au sultan, en dépit de la victoire de ses troupes, il perd aussi la vie.
L’événement a donné naissance à une tradition épique qui s’est transmise plus de cinq siècles durant grâce aux guslari. Cinq siècles, c’est à peu près ce qui sépare Homère de la guerre de Troie. Et comme l’histoire de l’épopée troyenne a été le ciment de l’identité grecque, la mémoire de la bataille du Kosovo, transmise et entretenue par la poésie orale, a contribué à forger les identités des peuples des Balkans. Le 28 juin 1989, quelques mois avant le déclenchement de la guerre de Yougoslavie, le 600e anniversaire de la bataille rassemblait plus d’un million de Serbes au Champ-des-Merles…
Au cours de leurs voyages, Milman Parry et son disciple Albert Lord ont recueilli et analysé quantité de ces grands poèmes épiques chantés par les guslari. Ils ont remarqué qu’y revenaient inlassablement des épithètes et des formules apparemment puisées dans une sorte de répertoire. Ce type de ritournelle se retrouve dans l’Iliade : « Achille aux pieds rapides », « l’Aurore aux doigts de rose », « Ulysse aux mille ruses », « Ilion aux hautes murailles », etc. Pour les deux linguistes, ces formules toutes faites – ces « copié-collé », en somme – offrent au poète des outils pour ajuster sa diction. Il les glisse dans la narration pour compléter un vers, pour construire une phrase avec la métrique juste. Il s’agit, explique le grand historien de l’Antiquité grecque Pierre Vidal-Naquet dans Le Monde d’Homère (Perrin, 2000), de « reposer l’aède dans sa récitation, qui prend ainsi un caractère automatique, et [de lui ménager] des pauses qui lui permettent à volonté d’étendre ou, au contraire, de restreindre son récit ». Des respirations mentales de quelques secondes, en somme, qui vont permettre à l’interprète de poursuivre l’élaboration de son histoire.
IMPORTANTE PART D'IMPROVISATION
Grâce aux analogies découvertes entre les poèmes d’Homère et ceux de la tradition épique d’ex-Yougoslavie, Milman Parry et Albert Lord montrent que, dans le travail de l’aède, la part d’improvisation était importante. La part d’invention est donc bien là. Mais dans le cycle du Kosovo chanté par les guslari on reconnaît toujours, même à un demi-millénaire de distance, la grande bataille du Champ-des-Merles.
« Albert Lord a montré que les traditions épiques des Serbes chrétiens et des Albanais musulmans ont, de fait, différentes manières de raconter la bataille, mais elles tendent à s’accorder sur la plupart des éléments rapportés, explique David Elmer, curateur des collections de Milman Parry à l’université Harvard (Etats-Unis). Que ces événements soient historiques ou non est une autre question. Il y a très peu de sources contemporaines sur ce qui s’est réellement passé. Cependant, un fait historique – la mort du sultan Mourad au cours de l’affrontement ou immédiatement après – est, par exemple, mentionné dans toutes ces traditions épiques. » Les éléments historiques contenus dans les poèmes sont occultés par la nécessité permanente de captiver l’auditoire, de magnifier et d’embellir l’histoire. « Il est prudent de dire que ces poèmes exagèrent largement l’importance géostratégique de la bataille, qui en réalité ne semble avoir été décisive en aucune façon », rappelle David Elmer.
Les relations de la bataille du Kosovo sont omniprésentes, mais d’autres thèmes reviennent aussi sans cesse. « Il existe des milliers de chansons, mais les deux genres que l’on rencontre le plus souvent sont les récits de combat et les histoires d’enlèvements de femmes ou de mariages intercommunautaires interdits, raconte le linguiste Aaron Tate (université du Wisconsin), spécialiste de la littérature orale des Balkans. Typiquement, un héros entend parler d’une fille de l’autre communauté et il profite de l’absence de son père ou de son mari pour venir la prendre et l’emmener, de gré ou parfois de force… » Ce thème, récurrent dans de nombreuses régions du monde, rapproche encore les poèmes serbo-croates des récits de la guerre de Troie – déclenchée par l’enlèvement de la belle Hélène, épouse du roi de Sparte Ménélas, par le prince troyen Pâris/Alexandre.
D’autres analogies sont plus évidentes : le guslar célébré comme le plus doué de tous les temps, le serbe Filip Visnjic (1767-1834), était aveugle. Tout comme, selon la tradition, l’était Homère lui-même…
HISTOIRE EN 5000 VERS
Quant à savoir s’il était humainement possible d’improviser sur un thème donné, dans une forme poétique rigide et sur une distance aussi considérable que les 15 693 vers de l’Iliade, c’est une autre question… Car il faut avoir cet élément de comparaison à l’esprit : une pièce comme Le Cid, de Corneille, comprend à peine plus de 1 800 vers. « Milman et Parry ont collecté beaucoup de ces poèmes dans les communautés serbes et croates, mais ils s’intéressaient surtout à ceux des musulmans, en Albanie et au Monténégro, car ils étaient beaucoup plus longs pour toutes sortes de raisons culturelles, comme par exemple la longueur des fêtes religieuses au cours desquelles ces poèmes étaient récités, raconte Aaron Tate. Une même histoire pouvait tenir en 200 vers chez les uns et en 5 000 vers chez les autres ! »
Les deux linguistes ont demandé au plus doué des bardes rencontrés au cours de leurs voyages de pousser un peu son talent. L’intéressé, Avdo Medjedovic, un Monténégrin musulman, s’exécuta et improvisa un poème de plus de 12 000 vers sur un thème bien connu dans le sud des Balkans – Le Mariage de Meho Smailagic. La récitation prit trois jours entiers.
La capacité à improviser, à composer des variations ou des collages de bribes d’épopées plus anciennes est donc cruciale. Mais le public auquel s’adressent ces poèmes chantés en public – c’était aussi le cas au temps d’Homère – s’intéresse surtout à ce qui est réputé historique. Aussi l’exploit mnésique est-il toujours central, ne serait-ce que pour maintenir stables les noms de personnages, de lieux… Parry et Lord étaient revenus, à plusieurs mois d’intervalle, demander à certains guslari de reproduire les mêmes performances, de chanter les mêmes histoires. A quatre mois d’écart, les variations étaient notables, mais le cœur du récit n’était pas affecté. Chantée un an et demi plus tard, la même histoire ne variait pas beaucoup plus.
Les analogies entre la littérature orale des Balkans et les poèmes homériques prouvent-elles que la guerre de Troie a bien eu lieu, comme nous le savons de la bataille du Champ-des-Merles ? Non, bien sûr. Mais force est de constater que la poésie épique semble se nourrir naturellement de faits historiques, quitte à les transformer au cours des siècles selon l’inspiration des bardes.
Aujourd’hui encore, explique Aaron Tate, malgré le nivellement culturel et la perte de la tradition des guslari, « il arrive qu’un chanteur réutilise cette langue ancienne et spécifique à la poésie orale pour composer un récit sur des événements récents, comme l’assassinat de Kennedy ou la chute de Slobodan Milosevic… »
La guerre de Troie a-t-elle eu lieu ? Savoir qu’Homère a transmis autant qu’inventé ne suffit pas. Pour être sûr, il faut que les archéologues sortent leurs pioches. Les noms du général Norman Schwartzkopf et de l’inénarrable Mohammed Saïd Al-Sahaf peuvent, eux, être facilement retrouvés sur le Net. C’était la question posée au début de cet article… vous souvenez-vous ?
18 juillet
Ce salmigondis est en fait simplement un aide-mémoire.
Vu dans le livre de Nicholas Wade cité le 15.7 :  l’oxytocine n’augmente pas seulement la sociabilité envers ses semblables, mais elle choisit les semblables de son propre groupe. Elle augmente par contre le sentiment agressif envers les personnes perçues comme étrangères. Dans une expérience restante concernant les fameuses expériences sur le sentiment éthique impliquant le meurtre d’une personne pour en sauver quatre autres dans une histoire de train et d’aiguillages, il était beaucoup plus facile à des Danois, après une petite bouffée d’oxytocine, de tuer un Mohammed ou un Helmut qu’un Pietr…Ce qui n’était pas le cas sans la bouffée d’oxytocine…
19 juillet
Dans son charmant petit livre : Poésie du Gérondif, Jean-Pierre Minaudier écrit : « il n’est pas grand chose de plus pitoyable qu’un amateur qui, sans mesurer ce qui le sépare d’un spécialiste, étale naïvement les lacunes et la superficialité d’une culture d’autodidacte » Oh ! que oui !! Qu’est ce qui a bien pu bien saisir ce vieil ami de croire, à notre âge respectable à tous deux, et sans aucune formation de physicien, avoir découvert une nouvelle interprétation de la relativité restreinte, géniale évidemment, à laquelle personne n’aurait pensé avant lui. Cela me rappelle ces hurluberlus qui sont venus de temps en temps me parler de la quadrature du cercle ou Dieu sait quoi d’autre, et dont on a toute la peine à se débarrasser.
A notre âge, on doit être heureux de visiter un peu tout ce que nous n’avons pas eu le temps de visiter au cours de notre vie, et regarder toute chose avec la distance distraite et amicale qui convient à nos neurones vieillissants. La sfumatura…
Solo una cosa sopporto.
La sfumatura. »

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20 juillet
J’ai lu à plusieurs reprises, notamment dans les livres de Kunz, que des éléments essentiels de la Constitution Suisse ont été repris des travaux de la Convention, au cours de la Révolution française. J’ai voulu en avoir le cœur net, et j’ai plongé dans l’Histoire et dictionnaire de la Révolution française de J.Tulard, J.P. Fayard A.Fierro, paru en 1987 chez Laffond, et retrouvé dans ma bibliothèque  en essayant d’y mettre de l’ordre, initiative sans espoir bien sûr.
Dans l’acte constitutionnel du 24 juin 1793 (Constitution de l’An I), rédigé rapidement du 3 au 9 juin 1793, et jamais appliqué, le pouvoir ultime est détenu par les assemblées primaires, qui réunissent tous les citoyens par groupes de deux cents à six cents. Les Lois sont proposées par le Corps Législatif, mais ensuite discutées dans les assemblées primaires. Elles ne sont adoptées que si une majorité des assemblées ne s’y oppose pas. Il s’agit là indéniablement d’un droit de référendum, tel qu’il existe dans le droit suisse.
L’exécutif est constitué de 24 membres (pas de Président unique).

Dans la Constitution de l’An III, le pouvoir législatif est confié à un Corps Législatif composé d’un Conseil des Anciens et d’un Conseil des Cinq-Cents. Les Lois sont proposées par le Conseil des Cinq-Cents et approuvées par le Conseil des Anciens.
Le pouvoir exécutif est confié à un directoire de cinq membres.
 Les Assemblées primaires subsistent, mais n’ont plus de pouvoir législatif. Par contre elles doivent approuver les changements à la Constitution.
On peut conclure que certains des aspects-clef de la Constitution Suisse ont leur source dans les deux Constitutions datant de la Révolution française.

21 juillet
Un ami m’envoie ces vers de Pétrarque :
« La vita fugga, e non s’arresta  un ora,
e la morte vien dietro a gran giornate,
e le ore presenti e le passate,
mi danno guerra e le future ancora. »
Je vais chercher le sonnet entier. Magie d’internet :
F. Petrarca - Sonetto CCLXXII
La vita fugge e non s'arresta un'ora,
e la morte vien dietro a gran giornate,
e le cose presenti, e le passate
mi danno guerra, e le future ancora;

e 'l rimembrare e l'aspettar m'accora
or quinci or quindi, sí che 'n veritate,
se non ch'i' ho di me stesso pietate,
i' sarei già di questi pensier fòra.

Tornami avante s'alcun dolce mai
ebbe 'l cor tristo; e poi da l'altra parte
veggio al mio navigar turbati i vènti;
veggio fortuna in porto, e stanco ormai
il mio nocchier, e rotte àrbore e sarte,
e i lumi bei, che mirar soglio, spenti.  
J’aime particulièrement les derniers vers :
, e stanco ormai
il mio nocchier, e rotte àrbore e sarte,
e i lumi bei, che mirar soglio, spenti.  
Stanco ormai…

22 juillet
Les israéliens sont de nouveau en train de massacrer des palestiniens dans la bande de Gaza. Que veulent-ils, qu’espèrent-ils ! Supprimer le Hamas ? Occuper Gaza ? Tuer tous les palestiniens ou les transformer en brebis obéissantes et matées pour toujours ? Tout çà finira très mal…
23 juillet
Vacances en France. Première étape : Paray-le-Monial. La Basilique est vraiment de toute beauté. Mais cette atmosphère de bondieuserie autour des pèlerinages à Ste Marguerite-Marie Alacoque…on se croirait à Lourdes…Brr..
24 juillet
.De Paray-le-Monial à Bourges. Vu à Digoin, un étonnant pont-canal, et une très jolie petite église. Bourges, magnifique cathédrale, très jolie vieille ville, souper dans un petit restaurant tout calme au milieu de la vieille ville
25 juillet
De Bourges à Blois, en passant par Cheverny (qui a été le modèle du Château de Moulinsard) et Chambord, qui semble avoir été dessiné par le dr Seuss…
26 juillet
Visite du Château de Blois, où a vécu François 1er et où a été assassiné le Duc de Guise. Puis déplacement jusqu’aux portes de Rennes, à Châteaubourg, à un très bel hôtel construit sur un moulin dans un magnifique parc.
27 juillet
Visite de Dinan, vieille ville encore protégée par un gigantesque rempart, qui domine la vallée de la Rance. Arrivée à Equy.
28 juillet
Retrouvé des citations que j’avais copiées il y a longtemps dans un vieux cahier. Commençons par ces vers admirables de Victor Hugo :
Quand deux coeurs en s'aimant ont doucement vieilli
Oh ! quel bonheur profond, intime, recueilli !
Amour ! hymen d'en haut ! ô pur lien des âmes !
Il garde ses rayons même en perdant ses flammes.
Ces deux coeurs qu'il a pris jadis n'en font plus qu'un.
Il fait, des souvenirs de leur passé commun,
L'impossibilité de vivre l'un sans l'autre.
- Chérie, n'est-ce pas ? cette vie est la nôtre !
Il a la paix du soir avec l'éclat du jour,
Et devient l'amitié tout en restant l'amour !
29 juillet
Le matin - En dormant

J'entends des voix. Lueurs à travers ma paupière.
Une cloche est en branle à l'église Saint-Pierre.
Cris des baigneurs. Plus près ! plus loin ! non, par ici !
Non, par là ! Les oiseaux gazouillent, Jeanne aussi.
Georges l'appelle. Chant des coqs. Une truelle
Racle un toit. Des chevaux passent dans la ruelle.
Grincement d'une faux qui coupe le gazon.
Chocs. Rumeurs. Des couvreurs marchent sur la maison.
Bruits du port. Sifflement des machines chauffées.
Musique militaire arrivant par bouffées.
Brouhaha sur le quai. Voix françaises. Merci.
Bonjour. Adieu. Sans doute il est tard, car voici
Que vient tout près de moi chanter mon rouge-gorge.
Vacarme de marteaux lointains dans une forge.
L'eau clapote. On entend haleter un steamer.
Une mouche entre. Souffle immense de la mer.
 30 juillet
Toujours de mon cahier : Shakespeare : description d’un monde idéal rêvé (dans The Tempest act II sc 1)
I' th' commonwealth I would by contraries
Execute all things. For no kind of traffic
Would I admit. No name of magistrate.
Letters should not be known. Riches, poverty,
And use of service—none. Contract, succession,
Bourn, bound of land, tilth, vineyard—none.
No use of metal, corn, or wine, or oil.
No occupation. All men idle, all.
And women too, but innocent and pure.
No sovereignty—

All things in common nature should produce
Without sweat or endeavor. Treason, felony,
Sword, pike, knife, gun, or need of any engine,
Would I not have. But nature should bring forth
Of its own kind all foison, all abundance,
To feed my innocent people.
SEBASTIAN
No marrying ’mong his subjects?
ANTONIO
None, man. All idle. Whores and knaves.

31 juillet
Full fathom five thy father lies;
              Of his bones are coral made;
    Those are pearls that were his eyes:
              Nothing of him that doth fade,
    But doth suffer a sea-change
    Into something rich and strange.
    Sea-nymphs hourly ring his knell:
                              Ding-dong.
    Hark! now I hear them—Ding-dong, bell.
Ce poème dit par Ariel me rappelle les  leçons d’anglais à Londres il y a 50 ans.
8 août
Il faut absolument voir l’exposition de Gerhard Richter à la Fondation Beyeler.
9 août
Fin des vacances en tribu en Bretagne.
Première étape jusqu’à Le Mans. Magnifique cathédrale dont les arcs-boutants dominent de très haut la place principale. Jolie vieille ville. Dormi dans une espèce de motel dans un parc près du parc d’attractions. Très agréable.
10 août
 Grosse étape, pour un homme de mon âge, jusqu’au sud d’Auxerre, au bord de la route, dans un hôtel assez minable,  mais très sympa, à Cravant, sur l’Yonne. En passant, visite de la Cathédrale de Chartres. Impression étrange. La Cathédrale est en voie de restauration : la moitié est sombre, l’autre moitié a été repeinte en teintes crème et pastel. Mais il me semble que les merveilleux vitraux étaient plus beaux et plus lumineux dans un cadre sombre..
 Il faut vraiment s’habituer. Je me demande ce qu’en aurait dit Péguy. Impossible de ne pas penser à Péguy quand on arrive à Chartres et qu’on voit la cathédrale de très loin
Étoile de la mer voici la lourde nappe
 Et la profonde houle et l’océan des blés
 Et la mouvante écume et nos greniers comblés,
 Voici votre regard sur cette immense chape
 
 Et voici votre voix sur cette lourde plaine
 Et nos amis absents et nos cœurs dépeuplés,
 Voici le long de nous nos poings désassemblés
 Et notre lassitude et notre force pleine.
 
 Étoile du matin, inaccessible reine,
 Voici que nous marchons vers votre illustre cour,
 Et voici le plateau de notre pauvre amour,
 Et voici l’océan de notre immense peine.
 
 
 Ainsi nous naviguons vers votre cathédrale.
 De loin en loin surnage un chapelet de meules,
 Rondes comme des tours, opulentes et seules
 Comme un rang de châteaux sur la barque amirale.
11 août
Petite étape jusqu’à Pommard. Petit hôtel très sympa. Visite de Meurseault et de Saint Romain-Le-Haut.
12 août
Fin de voyage, retour à la ferme.
 
Fini le livre de Brook sur Shakespeare. Remarquable…Shakespeare perçu et discuté par un vrai homme de théâtre, sensible avant tout je dirais à la puissance théâtrale du texte. Le commentaire sur la fin de Tempest est vraiment impressionnant.
15 août
Surprise : Jean d’Ormesson me répond une lettre très courtoise et intelligente. Quelle classe .
Ma lettre :

                            Genève le 9 juillet 2014


Monsieur l’Académicien,

J’ai lu votre dernier livre avec grand plaisir. Vous touchez à la métaphysique comme à la musique éternelle des sphères.

J’ai deux commentaires :

Le premier va, je l’espère, plaire à votre imagination. Vous écrivez qu’au moment du big bang, ou peu après, l’univers avait la taille d’une tête d’épingle. Il s’agit de l’univers observable. L’univers lui-même est beaucoup plus grand et peut-être de taille infinie, et dans ce cas il a toujours été de taille infinie. On peut se représenter une ligne droite marquée par des petits traits désignés par des nombres entiers. Si cette ligne est finie, et si on la contracte, rapprochant ainsi les nombres entiers les uns des autres, cette ligne aura à un certain moment la taille d’une tête d’épingle. Si cette ligne est infinie, et comprend une infinité de nombres entiers, elle restera infinie à toutes les étapes de la contraction.
L’idée d’un univers infini et contenant une infinité de copies de n’importe quelle combinaison d’atomes, et donc une infinité de répliques de la terre totalement identiques à la nôtre a, vous en conviendrez,  quelque chose d’enivrant.

Le très beau texte que vous citez à la fin de votre livre, très populaire aux US au moment du mouvement hippie, ne date pas de 1692. Il est dû au poète américain Max Ehrmann, qui l’a écrit  en 1927. Un jour, le pasteur de l’église St Paul à Baltimore l’inclut dans une compilation de textes à l’intention de ses fidèles. A la fin de cette compilation, il avait écrit : "Old Saint Paul's Church, Baltimore A.D. 1692". D’où la confusion, qui continue à se propager aujourd’hui.

Veuillez agréer, monsieur l’Académicien, les salutations admiratives d’un lecteur très fidèle

Dans sa réponse, très courtoise, Jean d’Ormesson reprend mes remarques et les commente avec finesse et intelligence. Quelle classe !


16 août
A la fin de Augustus de John Williams, cette réflexion, attribuée à Auguste, mais qui pourrait être de chacun d’entre nous, à la fin de notre vie.
I have come to believe that in the life of every man, late or soon, there is a moment when he knows beyond whatever else he might understand, and wether he can articulate the knowledge or not, the terrifying fact that he is alone, and separate, and that he can be no other than the poor thing that he is himself.
17 août
La citation de hier est tirée d’un article de NYRB sur le livre Augustus (14 août 2014). A relire cet article, on pense de nouveau à Lear, ou The Wall de Pink Floyd. Et les vers de Seamus Heaney, que j’ai cités il y a une année :
And  after the commanded journey, what ?
Nothing magnificent, nothing unknown
A gazing out from far away, alone.
L’écroulement inévitable, en fin de vie, du mur protecteur dont on s’entoure pour passer à travers les « disasters of the world », comme dit Lear à Kent.
Autres citations du même article :
A propos d’un autre livre de Williams :
Similarly, Stoner understands at the end of his life that whatever his ideals may have been, they have yielded to chance and necessity, which have made him other than what he had hoped:
He had dreamed of a kind of integrity, of a kind of purity that was entire; he had found compromise and the assaulting diversion of triviality. He had conceived wisdom, and at the end of the long years he had found ignorance. And what else? he thought. What else?
S’éloigner peu à peu de ce qu’on aurait pu faire, de ce dont on rêvait peut-être un jour, et voir ce qu’on a réellement fait de sa vie :
We know that we are—what we are.” William Andrews returns from the buffalo hunt dimly aware that his dream of oneness with Nature was a glib fantasy, and that the lessons he took away from his encounter with the wild were different from the ones he imagined he’d be learning—the “fancy lies” a bitter, older partner contemptuously dismisses: “there’s nothing, nothing but yourself and what you could have done.” As with Greek tragedies, Williams’s novels expose the process by which “what you could have done” is gradually stripped away from a character, leaving only what he did do—which is to say, the residue that is “yourself.”
Que dire de plus ?
He had conceived wisdom, and at the end of the long years he had found ignorance.
21 août
Lu dans Scientific American une interprétation possible du Big Bang : Notre monde à 3 dimensions spatiales serait l’horizon holographique d’un trou noir à quatre dimensions spatiales. Et le Big Bang serait la formation de ce trou noir. Et le temps dans tout çà ? A vérifier.
22 août
Lu dans Scientific American un numéro consacré à l’évolution, en particulier un chapitre dédié à l’évolution récente de l’humanité. Rejoint le livre cité auparavant : A troublesome inheritance, de Nicholas Wade. L’espèce humaine évolue encore et rapidement !
23 août
77 ans sur cette terre, et il y a encore tellement de choses à découvrir…
Le livre de Wade et l’article de Scientific American (numéro de septembre dédié entièrement à l’évolution de l’espèce humaine) demandent de faire un effort de mémorisation de certains faits essentiels. D’abord les faits objectifs essentiels qui montrent que l’espèce humaine évolue encore rapidement et de manière différenciée :
-    la tolérance au lait. Cette tolérance est apparue en trois différentes régions du globe dans les 10'000 dernières années, et de manière génétiquement différenciée ! Cette tolérance est due à plusieurs gènes dans chaque cas, et seuls certains ont été identifiés.
-    La peau blanche, les yeux bleus, les cheveux blonds et roux, tous dus à des mutations récentes.
-    Le gène de résistance à la malaria.
-    La consistance de la cire auriculaire.
-    Les cheveux raides et noirs des asiatiques.
-    Les différences de capacité athlétique.
Ce qui est troublant, c’est que ces mutations surviennent et se développent dans des populations bien déterminées, comme si on assistait à l’émergence de « races »…
L’article du Scientific American utilise le mot « race » mais n’élabore pas…Le livre de Wade par contre affronte le problème de front..
24 août
Question suivante : si certaines caractéristiques physiques apparaissent de façon différenciée dans les gènes des différentes populations, est-ce que certaines caractéristiques plus psychologiques peuvent aussi avoir cette propriété ?
Enfin dernière question : si certaines caractéristiques psychologiques peuvent être liées à des caractères génétiques différenciés selon les populations, est-ce que ces différences peuvent contribuer à expliquer, du moins partiellement (personne ne nie l’importance de l’héritage culturel), les différences des institutions dans le monde. Les institutions sont évidemment créées par des hommes conformément à leur psychologie, et peuvent donc différer d’une « race » à l’autre pour des raisons partiellement génétiques.
Ces deux questions sont analysées dans le livre de Wade, et forment le cœur de ses thèses.
25 août
Mais d’abord, première question : existe-t-il des gènes différenciés, selon les races, commandant le comportement.
A ce point, je découvre que ce livre de Wade est extrêmement controversé et critiqué presque unanimement par les spécialistes. Tout cela demande donc un peu de recul et beaucoup de prudence.
26 août
Impossible de travailler un livre qu’on a lu sur Kindle. Il faut commander l’exemplaire papier. On reviendra donc sur le livre de Wade et sur les critiques dans une ou deux semaines…en attendant on lira un autre livre de Wade, un peu périmé probablement, mais très intéressant : Before the Dawn, Recovering the lost history of our ancestors, qui fait le point sur les connaissances (en 2006) sur l’histoire de l’espèce humaine.
Grâce à la génétique on a pu ainsi évaluer la date à laquelle nos ancêtres ont commencé à s’habiller. Comment ? Nos ancêtres sont peu à peu devenus nus il y a 1,5 Moi d’années. A ce moment les poux ont émigré dans les cheveux et dans les poils pubiens, deux espèces différentes. Lorsque nos ancêtres ont commencé à s’habiller, les poux ont pu de nouveau émigrer dans tout le corps, en se réfugiant dans les habits, et peu à peu évoluer une nouvelle espèce, les poux de corps. La génétique permet de dater cet évènement : il y a environ 75'000 ans…
27 août
Souvenir de Dante  (Inferno XXVI )
Considerate la vostra semenza :
Fatti non foste a vivir come bruti
Ma per seguir virtute e conoscenza
Dit par Ulysse à ses compagnons, pour les encourager à explorer de plus en plus loin..Un premier pas de la Renaissance..
28 août
Découvert dans le NYRB un auteur italien, en traduction bien sûr : vite, mon Kindle, et je commence à lire :Andrea Canobbio, Tre  anni luce. Une langue merveilleuse, je me demande ce que devient cette musique en traduction…Dieu sait…Je pense toujours à ce que donne Racine en allemand…
29 août
A ma grande surprise, Wikipedia, dans son article sur Wade, me guide immédiatement vers des revues très récentes du livre de Wade, parues notamment dans le New York Times Review of Books. L’auteur de cette revue H.Allen Orr, donne je crois un bon jugement du livre de Wade. La première partie est valable, bien documentée et bien écrite. Dans les mots de Orr : "Wade’s survey of human population genomics is lively and generally serviceable. It is not, however, without error. He exaggerates, for example, the percentage of the human genome that shows evidence of recent natural selection”. La deuxième partie par contre est de la pure et douteuse spéculation:
“In the second part of his book, Wade proposes that regional differences in evolution of social behavior explain many differences among human societies. Orr comments "Here the book resembles a heavily biological version of Francis Fukuyama’s claims about the effect of social institutions on the fates of states in his The Origins of Political Order (2011)."[13] Orr further comments that "Wade also thinks that 'evolutionary differences between societies on the various continents may underlie major and otherwise imperfectly explained turning points in history such as the rise of the West and the decline of the Islamic world and China.' Here, and especially in his treatment of why the industrial revolution flourished in England, his book leans heavily on Gregory Clark’s A Farewell to Alms (2007)."[13] Orr sums up the second part of Wade's book with this comment:
These are big claims and you’d surely expect Wade to provide some pretty impressive, if recondite, evidence for them from the new science of genomics. And here’s where things get odd. Hard evidence for Wade’s thesis is nearly nonexistent. Odder still, Wade concedes as much at the start of A Troublesome Inheritance:
Readers should be fully aware that in chapters 6 through 10 they are leaving the world of hard science and entering into a much more speculative arena at the interface of history, economics and human evolution.[14]
It perhaps would have been best if this sentence had been reprinted at the top of each page in chapters 6 through 10”
30 août
Alors, puisque la première partie du livre de Wade est une bonne revue des connaissances en génétique des populations de l’homme, commençons par cela.
Première affirmation : Human evolution has been recent, copious and regional (p.4)
C’est vrai, selon Orr, mais les différences entre races est statistique, non individuelle. Les races diffèrent par des pourcentages d’allèles,mais il est extrêmement rare qu’un allèle n’apparaisse que dans une race. Voici le passage-clef de la revue de Orr.
« So what has study of the human genome over the last decade revealed? Wade’s chief conclusion here is that human evolution has been “recent, copious and regional.” The facts are fairly straightforward. The continental races of human beings differ somewhat from one other at the level of DNA sequence. As Wade emphasizes, these differences are “slight and subtle” but they can nonetheless be detected by geneticists who now have access to many genome sequences from around the planet.
The central fact is that genetic differences among human beings who derive from different continents are statistical. Geneticists might find that a variant of a given gene is found in 79 percent of Europeans but in only, say, 58 percent of East Asians. Only rarely do all Europeans carry a genetic variant that does not appear in all East Asians. But across our vast genomes, these statistical differences add up, and geneticists have little difficulty concluding that one person’s genome looks European and another person’s looks East Asian. To put the conclusion more technically, the genomes of various human beings fall into several reasonably well-defined clusters when analyzed statistically, and these clusters generally correspond to continent of origin. In this statistical sense, races are real.
Why did these genomic differences among peoples appear? There are two main possibilities. The first is that the differences are meaningless. The frequencies of genetic variants can start out the same across several populations and then slowly diverge from one another even when the variants have no effect on Darwinian fitness—defined, roughly, by how many surviving offspring individuals produce. Geneticists call this “neutral evolution.”
The second possibility is that the changes in our genomes were driven by natural selection. According to this hypothesis, the frequencies of genetic variants can diverge among populations because some variants increased the fitness of their carriers, perhaps by increasing their chances of survival in a harsh environment encountered on the particular continent on which they lived. Geneticists have known for some time of cases in which natural selection acted in some, but not other, human populations. Tibetans, for example, appear adapted genetically to life at high altitudes. Until recently, though, we had no way of knowing if such examples of recent natural selection in people were rare or common.”
31 août
Albert Cohen publie un nouveau cd, à 80 ans! Discussion avec un ami: est-ce que Suzanna est une chanson à connotation religieuse? A mon avis oui, sans hésiter: voice le deuxième couplet:
And Jesus was a sailor when he walked upon the water,
And he spent a long time watching from his lonely wooden tower,
And when he knew for certain only drowning men could see him,
He said "all men will be sailors then until the sea shall free them,"
But he himself was broken, long before the sky would open
Forsaken, almost human, he sank beneath your wisdom like a stone.

[Chorus]
And you want to travel with him,
And you want to travel blind,
And you think maybe you'll trust him,
For he's touched your perfect body with his mind.
1 septembre
Relu les Bacchantes de Euripide. Cà, c’est du théâtre !
2 septembre
Intéressant article dans Books sur l’étude de l’influence génétique versus influence de l’environnement sur les jumeaux séparés dès l’enfance. Cite le cas sidérant de deux jumeaux qui épousèrent des femmes presque identiques, portant le même nom, et donnant les mêmes noms à leurs enfants. De façon générale, l’influence génétique semble prédominante (Books, juillet-août 2014, p.26)
3 septembre
Un article sur les Vikings dans NYRB Vol LXI No 14. Ceux qu’on appelle Vikings n’étaient pas du tout en général les pirates assoiffés de sang et de batailles que l’on dépeint dans les films. Seule une petite minorité d’entre eux se sont adonnés à la piraterie. D’ailleurs Viking signifie en fait pirate. Eux se considéraient des peuples du Nord, paysans incroyablement tenaces. Pour un livre, voir The Age of Vikings by Anders Winroth, Pinceton University press.
4 septembre
Quand je ne sais pas quoi écrire, je recopie des citations écrites autrefois sur des bouts de papier. Aujourd’hui, l’Anabase de Saint John Perse
Nous n’habiterons pas toujours ces terres jaunes, notre délice...
L’Eté plus vaste que l’Empire suspend aux tables de l’espace plusieurs étages de climats. La terre vaste sur son aire roule à pleins bords sa braise pâle sous les cendres. — Couleur de soufre, de miel, couleur de choses immortelles, toute la terre aux herbes s’allumant aux pailles de l’autre hiver — et de l’éponge verte d’un seul arbre le ciel tire son suc violet.
Un lieu de pierres à mica ! Pas une graine pure dans les barbes du vent. Et la lumière comme une huile. — De la fissure des paupières au fil des cimes m’unissant, je sais la pierre tachée d’ouïes, les essaims du silence aux ruches de lumière ; et mon cœur prend souci d’une famille d’acridiens...
Chamelles douces sous la tonte, cousues de mauves cicatrices, que les collines s’acheminent sous les données du ciel agraire — qu’elles cheminent en silence sur les incandescences pâles de la plaine ; et s’agenouillent à la fin, dans la fumée des songes, là où les peuples s’abolissent aux poudres mortes de la terre. […]
5 septembre
Et Churchill :
Never hold discussions with the monkey when the organ grinder is in the room
9 octobre 2014
Le livre de Wade pose une question fondamentale : pourquoi l’humanité postule-t-elle son unité ? La réponse ne pourra peut-être jamais être donnée par la science, le code génétique est trop complexe, et les différences entre espèces extrêmement difficiles à quantifier et évaluer. L’esprit humain, dans son jugement sur l’unité de l’espèce, probablement se concentre sur certaines caractéristiques très importantes et communes : la capacité de communiquer par le langage, l’universalité des structures de ce langage, la capacité  d’étudier les mêmes choses (mathématiques, philosophie etc), le même sens moral des plus respectés des hommes dans chaque culture.. Les capacités physiques sont aussi à peu près les mêmes, on trouve de bons joueurs de tennis dans toutes les races, même si certaines races donnent des athlètes spécialisés dans telle ou telle discipline un peu meilleurs que les autres..
10 octobre 2014
Entendu aujourd’hui à la cérémonie du Dies une conférence de Amatya Sen, très riche. En disant que les droits de l’homme ont une réalité antérieure à leur existence juridique, une réalité ancrée dans l’éthique sociale, Sen pose la question fondamentale de la source du droit. S’il est vrai comme le dit le déclaration d’indépendance des US:
« We hold these truths to be self-evident, that all men are created equal, that they are endowed by their Creator with certain unalienable Rights, that among these are Life, Liberty and the pursuit of Happiness. »
Alors il s’agit d’une self-évidence, partagée par tous les hommes. Est-ce vrai, et d’où vient cette self-évidence ? Du patrimoine génétique ? Tous les hommes ? Tous égaux ? Les expériences faites dans les choix éthiques montrent que tous les hommes, quelle que soit leur origine, font les mêmes choix.
Très mystérieux…
11 octobre 2014
Le prix Nobel de littérature va à Patrick Modiano. Je n’avais jamais rien lu de lui, vite le Kindle et cinq minutes après (quelle magie !)  je commence son dernier roman : Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier.
C’est en tous cas très bien écrit. Je me demande de quoi il s’agit, dans ce livre, on dirait un roman sur Alzheimer, ou quelque chose comme çà. On verra, si on arrive à la fin du livre. Mon plus grand défaut : j’ai toujours au moins dix livres en route, et souvent j’en oublie en route..
Une image, recueillie dans le livre, et légèrement déformée :
Quand on est jeune on nage vigoureusement dans l’océan des idées, et de temps en temps on tente de plonger en profondeur. Quand on est vieux, on se contente de faire la planche…

12 octobre 2014
Et Shakespeare a évidemment quelque chose à dire sur les races d’hommes (Macbeth, act3, sc 1)
Ay, in the catalogue ye go for men,
As hounds and greyhounds, mongrels, spaniels, curs,
Shoughs, water-rugs, and demi-wolves are clept
All by the name of dogs. The valued file
Distinguishes the swift, the slow, the subtle,
The housekeeper, the hunter, every one
According to the gift which bounteous nature
Hath in him closed, whereby he does receive
Particular addition, from the bill
That writes them all alike. And so of men.
Now, if you have a station in the file,
Not i' th' worst rank of manhood, say ’t,

13 octobre 2014
Fini le livre de Modiano. Quel livre étrange.. Je ne sais toujours pas s’il parle de la perte de mémoire et d’Alzheimer, ou d’autre chose.
Quelques avis recueillis par internet :
Epoustouflant Modiano, toujours dans sa quête de l'amnésie plus ou moins volontaire, dans sa recherche du temps passé, dans la reconstitution des souvenirs. Ce livre ne se raconte pas, il se déguste, mot après mot, en appréciant les choix de l'auteur qui emmènent le lecteur dans cette nostalgie du passé propre à notre Nobel National. Un enfant, récupéré par une strip-teaseuse fréquentant un monde de joueurs et de noctambules peu recommandables, est devenu écrivain. Il a écrit sur son passé, puis a oublié. L'amnésie peut se provoquer ou être provoquée. Mais il y a toujours un petit élément, léger et douloureux comme une piqûre de moustique, pour réveiller les souvenirs des ténèbres où on les a plongés. A lire, bien évidemment!
Entre le passé et le présent, il n'y a au fond qu'une mince pellicule de cellophane. Il suffit d'une piqure d'insecte, presque rien, pour que les souvenirs reviennent par bouffées. Et chez Modiano; ce sont des patronymes, des numéros de téléphone périmés et des noms de lieux qui suscitent ce retour en arrière. Jamais anodines, ces réminiscences sont toujours d'une douceur douloureuse, puisqu'elles sont floues, forcément, et qu'elles viennent par bribes et par recoupements. Et les blancs de l'enfance se comblent peu à peu, mais jamais tout à fait. Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier est un roman modianesque pur sucre. Et donc un régal pour les amateurs dans une tonalité sombre et mélancolique qui semble encore s'accentuer dans ses derniers livres. Jean est un sexagénaire qui, à son corps défendant, voit sa mémoire travailler à nouveau, lui qui vit dans l'oubli et dans un quotidien sans joie où seules la lecture de Buffon et l'observation des arbres lui donnent encore la sensation de vivre. Un carnet d'adresses perdu et retrouvé par un individu étrange le remet sur la piste de sa petite enfance. Et d'une femme, plus particulièrement (Anne), qui remplaça un moment sa mère et qu'il retrouva quinze ans plus tard, brièvement. Le livre de Modiano vogue entre trois époques, avec cette nostalgie des années 50, les photomatons, une maison en banlieue, et Anne, dont le mystère de la profession et des (mauvaises) fréquentations ne sera jamais éclairci. Patrick Modiano, enquêteur de l'intime, nous entraîne une fois de plus dans un monde flottant et disparu. Ce ne pourrait être qu'un rêve après tout, tellement les contours en sont vagues. De ceux dont on ne perçoit au réveil que quelques impressions éparses et singulièrement tristes. Un état cotonneux que la prose fluide de l'auteur, comme toujours, rend merveilleusement bien.

14 octobre 2014
Pour les races, je crois pour finir que c’est un concept inutile. Il est évident qu’il existe des différences statistiques entre les héritages génétiques des populations humaines, mais parler de races ne sert à rien, ou alors il faut parler de sous-races, et de sous-sous-races etc En ce qui concerne l’influence du génétique sur la politique, il suffit de voir la différence entre les deux Corées pour avoir des gros doutes…

15 octobre 2014
Un de mes professeurs de musique m’a dit une fois que ce qui caractérise les grands interprètes est de concevoir une œuvre comme un tout, et de jouer (ou diriger) en tenant compte de cet aspect holistique. J’apprends aujourd’hui, que Beethoven était très conscient de cet aspect. Selon l’article paru dans NYRB du 23 oct, son but en composant était toujours de garder le tout en vue (always to keep the whole in view).

16 octobre 2014
Un ami m’a dit un jour que chaque fois qu’il arrivait à New York, il ressentait une excitation particulière, il ressentait une accélération de la vie. Dans le dernier NCYRB du 23 octobre, Zadie Smith écrit un article merveilleux sur l’excitation qui la gagne dans cette ville, et qui lui permet d’écrire mieux que partout ailleurs. L’article est fascinant, car Zadie Smith part de la contemplation d’une affiche gigantesque en face de sa fenêtre qui proclame Find your beach. L’essentiel des US : find your beach. Son commentaire :
« You are pure potential in Manhattan, limitless, you are making yourself every day. When I am in England each summer, it’s the opposite: all I see are the limits of my life”
Sur l’expression “Find your beach” elle dit:
“Here the focus is narrow, almost obsessive. Everything that is not absolutely necessary to your happiness has been removed from the visual horizon. The dream is not only of happiness, but of happiness conceived in perfect isolation. Find your beach in the middle of the city. Find your beach no matter what else is happening. Do not be distracted from finding your beach. Find your beach even if—as in the case of this wall painting—it is not actually there. Create this beach inside yourself. Carry it with you wherever you go. The pursuit of happiness has always seemed to me a somewhat heavy American burden, but in Manhattan it is conceived as a peculiar form of duty….
To find your beach you have to be ruthless. Manhattan is for the hard-bodied, the hard-minded, the multitasker, the alpha mamas and papas. A perfect place for self-empowerment—as long as you’re pretty empowered to begin with. As long as you’re one of these people who simply do not allow anything—not even reality—to impinge upon that clear field of blue.”


18 octobre 2014
Voyage à Londres, pour rencontrer des sœurs de mon épouse, venues d’Argentine en Europe. Et pour revoir Londres, bien sûr. Quand j’arrive à Londres, je me précipite toujours d’abord au British Museum, pour voir les frises du Parthénon. Cela me rappelle ce que j’avais lu récemment : lorsque Lord Elgin a voulu vendre ces frises au British Museum, autour de 1820, une commission  mandatée par le Musée recommanda de les acheter, mais pas trop cher, car les experts consultés avaient des doutes sur leur valeur artistique !  Tout à l’honneur de cette commission, il faut ajouter qu’elle était surtout inquiète que ces frises n’aient pas été volées (NYRB, édition du 6 mars 2014). Puis Regent Street, le bâtiment de Liberty,  faux bâtiment Tudor.

19 octobre 2014
Retour au British. Je suis de plus en plus fasciné par l’émergence de la civilisation, depuis Sumer jusqu’au Parthénon. Les objets trouvés à Ur, et qui datent de 2500 av.J-C, et montrés au British, sont d’une très grande finesse et beauté : le bouquetin qui mange  les feuilles d’un arbuste, l’étendard, le jeu de pions, la parure de Pu-Abi…
Juste pour se souvenir : il y a eu (en gros) d’abord Sumer, puis l’empire d’Akkad, puis la période néo-sumérienne et la troisième dynastie d’Ur. Ensuite vient la première dynastie de Babylone, avec Amourabi, l’arrivée des hittites  et l’ascension inexorable de la puissance assyrienne.
Le soir, on explore en groupe quelques magnifiques bâtiments modernes de la City, notamment le Gherkin (cornichon), magnifique gratte-ciel en forme de cône arrondi, construit par Norman Foster, et le City Hall et le Shard. De près également, le Gherkin est incroyable, avec ses grandes arches croisées.
20 octobre 2014
Visite d’une exposition extraordinaire de Rembrandt au National Gallery, consacrée aux dernières années de sa production artistique. Une suite d’auto-portraits remarquables de force et de présence, et quelques grandes œuvres telles que Les Syndics des Drapiers, La Conspiration des Bataves sous Claudius Civilis, tableau absolument merveilleux par son traitement de la lumière (et qui se trouve à Stockholm, à l’Académie des Beaux-Arts), Lucrecia, et L’épouse juive, devant lequel Van Gogh resta en admiration très longtemps et déclara qu’il pourrait rester là pour toujours.
21 octobre 2014
Visite du reste de la National Gallery, pas réussi à voir tout, c’est immense.
L’après-midi, une représentation tout à fait remarquable de Macbeth, par la National Youth Theatre.
22 octobre 2014
Déjeuner avec un ami du temps des études sur l’énergie. Eternelle question : quel est le rôle de l’université ? Faire des études concrètes et détaillées sur des systèmes réels, comme les exécutent un bureau d’ingénieurs, ou analyser de plus haut et de plus approfondi certains aspects du problème de l’énergie ? L’université doit-elle former des bons practiciens de l’énergie, du moins aussi longtemps que les Ecoles Polytechniques et les Ecoles d’ingénieurs ne le font pas ? Pour améliorer un système tel qu’un bâtiment, ou un système de chauffage à distance, est-ce qu’il suffit de bien connaître certaines règles de l’art, ou faut-il des qualités de chercheur ? Je vais résister à la tentation de me mêler de cette discussion, qui ne me concerne plus.
25 octobre 2014
Les hommes qui sont sortis d’Afrique il y a 60'000 ans ont fauté avec leurs cousins Néandertal, c’est aujourd’hui bien établi. Par contre il n’y a pas trace de gênes Néandertal chez les Africains. Ceux-ci sont donc la seule « race » pure de l’espèce humaine… Merveilleux…
26 octobre 2014
Scandale des « zero hour contracts » discuté dans Le Monde du 26 : les employés peuvent être appelés à tout moment, pour un travail d’une durée quelconque, et n’ont aucune garantie d’être appelés, ni d’avoir un nombre d’heures minimum. En Grande Bretagne, il y a 1,4 millions de ces contrats… C’est la conséquence logique de la mondialisation et du libéralisme : les entreprises, pour être compétitives, doivent économiser chaque centime et rechercher l’efficacité maximum, quel que soit le coût humain. Et la société en général recherche l’efficacité économique maximum,  quel que soit le coût humain. Vaut-il mieux avoir un de ces contrats, ou être au chômage, ou vivre dans un pays en faillite ???? La gauche est très empruntée, car ce type de contrats a sorti beaucoup de monde du chômage. .Elle se contente de demander que ces contrats contiennent un nombre minimum d’heures. La seule solution semble vraiment être le  revenu universel, ou l’impôt négatif.
29 octobre 2014
Magnifique cérémonie de remise du prix Marcel Benoît à Nicolas Gisin. Quel bonhomme…
30 octobre 2014
Je recopie cette phrase dans le livre de Pinker, qui démontre la complexité de langage que peut comprendre le cerveau humain :
« Daddy, what did you bring that book that I don’t want to be read to out of up for ? »
31 octobre 2014
Terminé le livre de Canobbio, Tre anni luce. Un bijou de subtilité et de qualité d’écriture. Un grand roman. J’ai relu l’article du NYRB (14 août 2014) qui me l’avait fait découvrir, et cela m’a ouvert les yeux sur certains aspects que je n’avais pas remarqués, en particulier la confusion que ressentent plusieurs personnages entre des préoccupations différentes qui se chevauchent dans l’esprit, et les empêchent de penser clairement à aucune d’entre elles. Très humain çà.
Déjeuné avec un vieil ami, qui a toujours vécu seul. Comme le dit la Bible, il n’est pas bon que l’homme soit seul. L’horizon de cet ami s’est peu à peu rétréci à une seule préoccupation : lui-même.
2 novembre 2014
Décès de Jean Pfau.
3 novembre 2014
Dans le NYRB du 6 novembre (je me rends compte en passant du rôle essentiel du NYRB dans le maintien de ma curiosité), un article sur Jabotinsky, un sioniste notoire et historique,  inspirateur de Netanyahu mais qui explique très bien (dans les années 20 !) pourquoi la paix avec les Palestiniens est impossible. Mais d’abord, un très beau poème de lui :
In that town, I spied in the debris
The torn fragment of a parchment scroll
And gently brushed away the dirt to see
What tale it told.
Written on it was “In a strange land”—
Just a few words from the Bible, but the sum
Of all one needs to understand
Of a pogrom.
Puis l’analyse :
There can be no voluntary agreement between ourselves and the Palestine Arabs. Not now, nor in the prospective future….
Every native population, civilized or not, regards its lands as its national home, of which it is the sole master, and it wants to retain that mastery always, it will refuse to admit not only new masters but even new partners or collaborators. This is equally true of the Arabs….
We cannot offer any adequate compensation to the Palestinian Arabs in return for Palestine…. This does not mean that there cannot be any agreement with the Palestine Arabs. What is impossible is voluntary agreement….
But the only way to obtain such an agreement is the iron wall, which is to say a strong power in Palestine that is not amenable to any Arab pressure.
Puis, en conclusion :
The only way to reach an agreement in the future is to abandon all idea of seeking an agreement at present.
C’est toute la politique de Natanyahu.

5 novembre 2014
Lu dans le bulletin de GEDS, une interview remarquable de Ben Crystal, qui met en scène Much Ado pour le club en ce moment. Je regrette presque de ne pas avoir tenté le casting…Mais enfin il faut être modeste. C’est Lear ou rien..
Dans l’interview, je note que Ben Crystal a écrit avec son père Words of Shakespeare, ainsi que deux ou trois autres livres sur Shakespeare et sur d’autres sujets. Vite le Kindle, et je regarde le Shakespeare on Toast. Très intéressant.. Utiliser le Kindle, c’est comme vivre dans une immense bibliothèque et aller de livre en livre…
6 novembre 2014
Voici l’interview de Crystal, dont j’ai parlé hier.
Was it Shakespeare who made  you fall in love with theatre?

It was Shakespeare who made me fall in love with acting.I think I already had a love for theatre. But with the acting, yes.

There are some people who think that you have to get the rhythm of the script to get the meaning, and some who think that it’s the meaning that gives you the rhythm of the piece.What do you think?

Good question. I would say that each of Shakespeare’s plays does have a particular rhythm to it, does have a
particular overarching melody if you were to zoom out from it to the macro-scale and indeed each character has their own particular variation on the iambic pentameter rhythm which is idiosyncratic to their mode of speech, to the point of being singular from every other character. I mean, I suppose that’s one of the reasons why Shakespeare is Shakespeare, because he’s so good at manipulating that rhythm. I suppose I come to it from the perspective that, well, there are legion ways of how you could say something, so why did the character choose to express  that particular thought or emotion in that particular way?
So if you say, “O that this too, too solid flesh would melt, / Thaw and resolve itself into a dew … ”, why doesn’t Hamlet say “I wish I could just die”, why does he choose to express himself in that more flowery or poetic way?
Why does he begin with that expression of emotion – O – when he could just say, This is where I’m at? Why is it “too, too”? You essentially build a character from the evidence in the text, and go, “Well, what sort of person refers to themselves in that way when they’re feeling that great emotional depth?”
Essentially the answer is, he’s one of the greatest character’s minds ever written. Why do the fairies speak the way that they speak in A Midsummer Night’s Dream? They speak slightly shorter lines of poetry that make them
sound, almost subconsciously to an audience, slightly less human. And of course fairies aren’t human. So there’s a great amount of character to be found in the manner in which the lines are given.

But in terms of, Do I spend time going dee dum dee dum, no I don’t, that’s the kind of work I expect actors to have done as their homework. I certainly start out looking at the fall of the stress and that kind of thing but nine
times out of ten once an actor knows the truth of what they’re saying, knows how to deliver the line from a point of honesty, the rhythm takes care of itself.

If anything, too much reverence to that rhythm will make actors say something in too careful a way, because
they’re being so subservient to it, they’ll say things like rhythUM, and nobody says rhythUM, no-one’s ever said rhythUM.
There are a lot of contradictory ideas about how Shakespeare should be performed and the biggest one is the thing that made Shakespeare the “Immortal Bard” in the eighteenth century or so: the fact that he was a “Great Poet” and that he should be spoken as “Great Poetry” even to the point of sounding completely inhuman and alien. He wasn’t interested in that, he was a very human writer.

How do you find your way into  a script ?

As an actor I will get a cue script, and I will begin by ripping it apart, really. Does the character speak in prose or verse, what type of character speaks in prose, what type of character speaks in verse, what type of character speaks in both, do they speak in rhyming verse ever? By looking at what type of language a character speaks, you can work out what type of character he is.
Polonius isn’t verbose just to be funny; he is verbose because he’s the type of person who needs to speak in a long-winded way. So by noticing that he has very long thoughts, thoughts that wend and wind their way along, we can ask ourselves, “Well, what sort of person does that?” Perhaps channel that person in your life who reminds you of that kind of speech. Polonius, in some ways, has got the power in that society, or the authority; he’s used to people listening to him – what sort of person is that?  Then I’ll take a look at what’s going on underneath the lines, the mechanics of the lines, the meter, and see what that tells me about the character.
Shakespeare manipulates the meter to express what’s going  on dramatically as well. For example, whenever the meter becomes irregular it indicates an irregular turn of thoughts.

Once I’ve done all that then I’ll start thinking about learningit. You can’t take on a role like Hamlet and just start learning “To be, or not to be … ” you’ve gotto think about the type of person who expresses themselves in that way – why does he come to the audience and start talking about mortality, whether it be his own or someone else’s? You think about the script as being the tip of the iceberg, but you’ve got to work out the other 90% of the iceberg under the waters that you don’t get to hear, in order to come to a place where you can make sense of the speech.

And then, in a lot of respects, I go through the same process for each character’s part when I’m directing, or at least I encourage my actors to do it. It’s not necessarily a question of thinking about how I would act
it, it’s a question of tuning in with each actor, (hopefully I’ve already done that a little bit already in the casting) and you try to see what each actor offers, see what’s on the page and see where there’s a gap that needs to be filled.

So once you’ve chosen the actors then the play sort of moulds itself around them?

Absolutely, because I have no idea how x or y or z character is going to be until I see what the actor brings to the table, or really how any particular thing is going to go… There’s no point in planning huge elaborate direction if the actors are going to decide they want to take a character in a completely different way or it doesn’t suit their skill-set. It’s very organic and my reason for that is because Shakespeare wrote these plays to suit his company.

He wrote particular parts for particular people?

Absolutely, yeah. We know that for a fact because of the way that his characters changed as the company changed, over the course of the canon, you know, one actor who normally plays the fool character leaves and then another fool arrives and at that point the fool character in Shakespeare’s plays radically, radically changes from Dogberry, for example, to Feste.
I think there is something to be said for adapting your  process to tune in as close as possible to the original dynamic, to set conditions so you’re using a space in the way that they would have used it then.
So, if you set up those types of dynamics then it allows the actors you’ve chosen to surprise you with their performance, which makes the whole thing more active than if you’ve got a director who’s got a very clear idea of how they want a part to be played.
It’s only my opinion, but personally I want to be surprised when I’m in the audience, and I want the actors to be surprised in the moment of play. With the modern rehearsal method, the one that’s become established over the course of the twentieth century, acting often seems to be about pretending that you haven’t heard these lines 50 times over in rehearsal, and that the news is “new”. The news would’ve been new to Shakespeare’s actors; they only would have performed it once or twice, never having heard the play before. So, do you want to spend more energy pretending that you’ve never heard it before or more energy just reacting live and playing, that’s what they’re called after all – players? You want to see a troupe of actors on stage playing with each other because they’re so comfortable with their own lines, and so comfortable with each other, and so comfortable with their stagecraft that they just joyfully play and surprise each other.
Watching a troupe of actors on stage for two hours just going through a routine which they’ve established; what’s the point in that?

Are there any other advantages to rehearsing Shakespeare-style?

We don’t know how much they rehearsed, we don’t know to what extent our ideas of how they rehearsed are true, but all I can say is that having rehearsed in this way and refining this methodology, it certainly works, it certainly provides us with the type of Shakespeare that’s rarely seen, and at the end of the day, I want to find more ways to bring people in who normally think Shakespeare’s not for them because they’re used to it being
grand and well-spoken and that kind of thing, so anything that will help revitalise that is a “good thing”.

Why do you think we continue to find Shakespeare so compelling? Is it the universal themes, use of the language, the way he draws character?

I think that’s certainly why they’re done so often, around the world. Hundreds and thousands of people can do the same part in a multitude of different ways, and yeah, I think a lot of audience members find that compelling, to go and see the same show again and again and again and for it to be so different each time.
I think he’s compelling because he talks about what it is to be human. He talks about matters of the heart and mind and emotions that to a greater or lesser extent we all feel, we all experience at some point in our lives. We may not go through the situation, per se, we may not be kings, but we all know what it is to love and lose. Repeatedly, over and over and over again, that’s what he is looking at, and that is compelling, I mean, that’s the working model for every soap opera, and theirs, like them or not, are the most addictive plots on television.

Why do you think we’ve not produced another Shakespeare? Which playwright either historical or contemporary
comes closest to Shakespeare, either in the quality or the scope of their work?

Who’s Shakespeare after Shakespeare, right? It’s really unsettling that there hasn’t been another Shakespeare. You could say that Dickens, perhaps, reaches a similar height in prose. You might say similar things, although in a more compacted way, about Austen. You could say that Kubrick reached similar breadth and scale in his films, more in terms of the directing than writing.
There are playwrights that you can place an equal amount of trust in as Shakespeare, like Beckett, Pinter, Miller, Ibsen, Chekhov. But none of them managed to write as much about as much in such a varied way. It’s staggering.

Do you think there’s something inhibitive about contemporary theatre that doesn’t allow for that kind of generosity of expression?

I know that some people think that there should be a moratorium on Shakespeare to give space for the next
Shakespeare to come through, which I think is just rubbish. I mean, Christopher Marlowe was Shakespeare
before Shakespeare was Shakespeare and John Lily was Shakespeare before Marlowe was Shakespeare, the title has to be taken. I would love to see a playwright come along and do for the next 400 years what Shakespeare did, goodness knows we need it. And maybe you can argue that someone in the film world has done that… maybe it’s the Cohen brothers…

You think it’s not necessarily going to come from the world of theatre?

Certainly in terms of the impact and the renown that filmmakers have, it is comparable with the renown and impact that theatre-makers would have had 400 years ago. I don’t know, is it Spielberg?

 It’s interesting you say Spielberg, because he’s not embarrassed to say what he wants to say. Sometimes I feel that contemporary writers are trying so hard to be something that they are almost embarrassed to express what it is to be human. They’re not generous with themselves, as Shakespeare was.

I agree. The other thing is that people have to be so careful nowadays, they have to be politically correct, they can’t offend x, y, and z…

And yet, at the same time, you’re supposed to be controversial…

It must be terribly, terribly hard. The first thing that people will ask is, Well, what are you saying with this piece? And what does that tell us about you? We have 39-odd plays and 154 sonnets and a few long poems, and you could give all that work to everyone in this room and they would all draw separate conclusions about who Shakespeare was. His skill, from the micro to the macro, of being able to write incredibly intricate and complicated poetry which fits the mouths of incredibly intricate and complicated characters who talk about huge diverse themes, which, as you say, are still regarded as universal and yet reveal nothing about himself…

What do you think Shakespeare’s weaknesses are as a writer, if he has any?

Ha! I’ve never been asked that before. Well, he’s got plenty. It’s interesting that you say, “if he has any”. There’s this idea that Shakespeare is this immortal bard and perfect and that every word that dropped from his quill was perfect, but he was human, he was flawed like all of us. Love’s Labours Lost  is a terrible play, with some good bits. The Merry Wives of Windsor  is not a good play. Hamlet has plot holes you could drive a bus through. “Oh, no but Hamlet  is the greatest play ever written…” – it’s very, very good, but it is fairly un-presentable in its extant form. It’s four hours of text which is a LOT to sit through for any audience, and three or four of the plot lines don’t tie up… Shakespeare would write his director’s cut of the text, if you will, and would sell it to his acting company and thereby retain no copyright over it, and they would then turn it into the best two-hours’ traffic of the stage.

They would cut it down?

Absolutely. Oh God, yeah. No Elizabethan could sit through four hours of theatre. Apart from anything the sunlight would have faded by 4 o’clock in the afternoon, if their legs hadn’t already dropped off. Our attention span is only about as long as a commercial on TV now. They would have got tired, there’s no way they would have been performed in full because they didn’t have the attitude of “Oh My God it’s Sacred Shakespeare”. I wouldn’t want to go through that. I wouldn’t put an audience through that. I’ve never produced or directed a Shakespeare play that is more than two hours, usually including an interval. He says it in the text of Henry V  …
“is now the two hours traffic of our stage” – ok, yes, he only says that once in one play, but you’ve got to cling on to what you can cling on to, and a handful of plays were written to that length.
So you think that even for Shakespeare it was still ultimately quite a collaborative process?

Definitely. You can see evidence of that in transitions in the types of characters as the company changed. It was
hugely collaborative. There’s a quote from a Shakespearean academic that “Shakespeare’s actors were the understanders the like of whom has never been seen before, or since.” They were the vessels for his words. No-one else was going to speak them. And just as he knew their acting strengths, they knew his writing strengths, and they would adapt around his weaknesses or his verbosity, his tendency to overwrite something, and boil it down to the best show.Whenever we’re rehearsing my company usually have a bust or a picture of him somewhere, and often we’ll look at Shakespeare and go “Can we cut this?” and he’ll go, “What is it?” “Well, it’s a 400 year-old cultural joke that no-one’s going to get now” and he’s like “Well, yeah, why would you want a joke in a show that doesn’t make people laugh? Can you make people laugh with it?” “Well, we’ve tried, and we’ve tried really hard but at the end of the day, people aren’t going to laugh at Chandler in Friends in 400 years time either.” “Yeah, cut it. Why would you keep that out of some weird subservience to me? I don’t want to be captured for posterity; I want to make people laugh and cry. I’m an entertainer, cut it. I’m not perfect.”

On a tour of the Globe that I went on last year, one of the actors showing us around said that in Shakespeare’s day the performances of his shows were much shorter because people spoke a lot faster, is that true?

I’ve spent a lot of time working on the accent of the time and we don’t have a lot of clues about the prosody, the melody, or the speed. We have two, really; we have Hamlet  “I pray you speak the speech as I pronounced it to
you, trippingly on the tongue…” and in the First Folio there are a lot of “o’th’s” and “i’th’s” and that kind of thing, There is a common modern tendency to overcorrect, to say “o’the sun” instead of “o’th’sun” or even worse, “of the sun”, and undo the tripping part of it. It’s perfectly possible to speak Shakespeare faster and still be articulate, they were professionals, they needed to be understood. The accent was different, and from what we can understand it may well have been faster, it certainly wouldn’t have been: “Tooo beee, orrr, not too bee… etc” like the modern Shakespeare RP accent.

The Globe also has recordings of actors, like Gielgud, who sound a bit like that…

Gielgud was a tremendous actor. It’s all well and good to listen back to them now and mock them, but I grew up watching Kenneth Branagh and was completely in love with his films. I look at them now and think, “Oh my God, it’s so staid and tired”. It’s easy to look back and go, “Well, you did it badly”. They did it for the style and expectations of the time, and indeed Gielgud, Olivier, Burton and Branagh all broke the style and expectations of the time. Olivier, for example, was considered relatively louche in comparison to Gielgud. Branagh blew people’s minds by saying “yer” instead of “your”. He was groundbreaking in his own way, they all were.

Do you think Branagh was responsible for re-popularising Shakespeare?

Before Baz Luhrman’s Romeo + Juliet , Branagh definitely did more for bringing Shakespeare back into popular culture than  anyone else. Setting his Much Ado  in that glorious Tuscan villa, the huge scale and beauty of his four-hour Hamlet , the amazing if not entirely successful attempt to do Love’s Labours Lost featuring the music of Gershwin – he certainly wasn’t afraid of Shakespeare, afraid to take risks.

Do you think that Shakespeare is so entrenched in our culture as being this cornerstone of literary excellence that no-one will ever be able to surpass him?

No. He’s good, but he’s not God. There is a problem in the sense that people are intimidatedby him, that people think he’s much harder than he actually is; actors, producers and directors alike. He was and is incredibly good, but the only way to keep him good, and keep him inspiring us is by shaking him, grabbing hold of him, being delicately rough with him, and definitely getting him off that pedestal. No-one can be inspired by something that’s treated with kid gloves.

Do you ever get sick of the old codger?

In the summer I was directing two plays and writing a book about Shakespeare and I certainly felt like all I wanted to do was sit in a dark room and play video games for a month. Which is exactly what I did. I think that it’s incredibly nourishing, but it can also be a particular kind of draining to be always dealing with such huge
matters of the heart and soul. You need to be able to recharge those batteries to be able to attack it afresh. Not sick of him, but I always try to make sure, either as an actor or a director, that I go off and work with other
writers too. Shakespeare may teach me how to deal with them, but they also teach me how to deal with him.

What do you read and watch for fun?

You mean other than Shakespeare? I don’t really watch much TV, it confuses me. There’s a programme on TV when people spend time bidding on the unknown contents of a storage container. And there’s a production company who spend the bulk of their lives filming this… What does that even mean? Why would you spend
time, or money, or talent on that? I know the answer is, “Because it sells”, but a lot of the time people are striving more to be famous than to create something, or do anything good.
What do I like? I like William Gibson, Philip Pullman, Charlotte Brontë, I like The West Wing ,I like Kubrick very much. I adore music, jazz and blues, and modern classicists like Steve Reich and Max Richter. I suppose there’s a bit of a theme with all these auteurs who seem to be constantly searching for the same thing over and over again. In my relaxation from Shakespeare I suppose I’m looking at people who create stuff in similar ways. They are the things that inspire me go go back to Shakespeare and work with him again, I suppose. I would like to take the methodology I have developed and apply it to putting on plays by some of Shakespeare’s contemporaries, but I’m too busy doing Shakespeare’s plays at the moment and there are still so many plays I would like to do.

What makes Shakespeare so unique?

Shakespeare is singular for me both because of his writing manner and because of the way in which his company worked. As a practitioner, from working on his plays, I can develop an ensemble that hopefully mirrors Shakespeare’s ensemble. You have some modern equivalents; Wes Anderson, for example, reemploys the same actors all the time in his films. He has created his own kind of contemporary ensemble.

Is there a search for a kind of purity in the way in which you stage your productions?

It’s about following what we know about the way in which they produced their shows. They just needed an inspiring space, a group of talented actors and the words, so what was good enough for Shakespeare should be good enough for me. This production is more concept-driven than I usually have, it being 450 years since Shakespeare’s birth, the centenary of the beginning of World War One, and the fact that we are in Switzerland, we found a way of tying all these elements together. The important thing is that you don’t force the play around a concept; the concept has to come from the play not the other way round. Don Pedro’s soldiers returning from a war to place of sanctuary, fits Leonato’s Messina. You can use Shakespeare to give voice to anything you like, it can wave any political or thematic flag you like, but you have to be careful you don’t prevent the audience from seeing all the other things that the play is about as well.

Do you think that he was political as a writer?

He was, but he had to be very careful. Look at Macbeth , a play about the assassination of a Scottish king, during the reign of James I and shortly after the Gunpowder Plot, featuring witches, during the European witch craze. That’s about as political as you can get. James certainly wasn’t very happy about it.
Shakespeare was political, but he was very canny in the way he wrote, otherwise it would never get past the Master of the Revels, the Elizabethan censor.

Some people think that having the restrictions or limitations imposed by the Master of the Revels (whose function in this capacity was taken over by the Lord Chamberlain) made for better writing as the writers were forced to be inventive with their message, do you agree?

The Belarus Theatre Company is an exiled theatre group that, in order to perform, have to stage these secret popup performances in basements, and their work is extraordinary. Constraint can often be conducive to great work.

Is it safe to say that as an actor, there is nothing you enjoy performing as much as Shakespeare?

No! God! I love acting. Acting full-stop is the best job in the world. Acting Shakespeare, I think, requires a particular skillset that is both invigorating and challenging, but you could say the same thing about Pinter. All
actors want to do is work with good writers and good people, good directors, good producers, do good stuff. There are a relatively finite number of great writers; there are plenty of good writers.

Who do you consider to be great writers?
Like I said earlier, Beckett, Pinter, Simon Stevens, Ibsen, Chekhov, Anthony Nielson…

Why did you write You Say Potato – A Book About Accents ?

Ha, because the publishers asked me to! They came to me and wanted me to write a book about accents and I said, “You’ve got the wrong Crystal, you want my father”. They said “No, we want you. We’ll put you in the British Library for a year and a half and pay you to research it” and I said, “Yeah, you definitely want my dad” and they said, “No we want you”, and I said, “Well why don’t you have us both?” Then I went to my dad and he said “I don’t want to write that”. But I managed to persuade him. We’d been looking for another project to work together on. On reflection, I understand why they wanted to do it with me, because it’s all well and good having an academic write about accents, looking under the hood of the car, but equally you want someone who knows
how to drive the car and can describe the aesthetic of the car. I like using accents, and not just for my job: I moved to North Wales when I was seven and found myself developing a Welsh accent, moved to Lancaster for university and found myself developing a Lancaster accent, came down to London and found myself cockney-ifying and starting travelling the world and found myself transatlantic-ifying. I find myself talking to people and trying to work out where they’re from, from their accent; and from my father’s work, I know that accent equals identity. It’s one of the things that people value most greatly about themselves, they’re very territorial about their accents, they’re very protective of them. Your accent speaks more about who you are than the clothes that you wear or the way you style your hair. Your accent is like the DNA of your life. We show it loud and proud
everyday without realising it, in a way that we never let people see other parts of our personalities. It’s an incredibly interesting and personal thing.

What does the concept of accent as identity mean for you as an actor?

As an actor, I suppose it means it’s a bloody good place to start! Olivier always used to start from the physical. He said that his wife would always know when he was preparing a part because he’d start limping around the house or something. Sometimes, but not always, I’ll start with the voice because you start from the text, and the text comes alive in your voice and the way that you articulate and vocalize some things can essentially have a domino effect down into your body I suppose, and you can draw physical character from vocal character if you want.

How do you find acting on screen as opposed to stage?

It’s a different skill-set. There’s a different skill set required for Pinter versus Shakespeare and there’s a different skillset required for recording a voiceover into a microphone than there is for acting onstage. And I love it.
I thought it wasn’t going to have that similar frisson you get when you step onstage, but there was nothing really quite as electric as being in front of a camera – especially live, knowing that 1.4 million people are watching. That is pretty exciting. In a very different way. And when it’s not live, the audience is even bigger but you get the opportunity to refine what you do and perfect your craft. It’s really quite fun to hone your performance, to polish and polish and polish. And you can do that in the theatre, you just have to wait 24 hours from performance to performance.

Do you have a particular technique for getting into your creative space when there’s a camera crew around you?

Oh, you just have to do it. Just out of necessity, you get used to it. Whilst you’re crying over the death of your brother you’re stepping over cables and lights and you have to look in a particular way even though it’s physically awkward just to get the shot in the right way… It’s a different technique, but you get used to switching it on and off very quickly and thinking yourself into a moment or an emotion. When I was very
young, I was always in wonder of actors who could just cry. Once you know how to do it, it’s pretty easy.

So how do you do it?

Everyone’s got their own way. It’s singular and unique to each person. If you think about what it would really feel like to loseyour brother, why wouldn’t you cry? It’s the only reaction that most people would have. That sounds rather Stanislavskian in its approach but of course you don’t want to actually believe that your brother has died because that’s not theatre or acting anymore. When you’re uncontrollably sobbing, that’s not what an audience wants to see. They want to see people trying to hold back the tears, that’s engrossing.

Do you believe – as some actors do – that if you want to be an actor, it has to be the only thing
you want to do in the world?
It’s certainly not a job that you give anything less than 100% at and if you do, you will find yourself not acting as much. How much are you prepared to sacrifice? Are you willing to accept the fact that if you give everything to this business, you may not travel, you may not see your family at Christmas, you may not have a family, you may spend your entire life financially unstable? What are you prepared to give to this business that spits out hundreds and hundreds of thousands of others just like you? But you know, I had an opportunity to write and you
could argue that if I hadn’t, if I hadn’t put the energy from acting into writing, my career might have gone in a completely different direction. But I wouldn’t have met the people I’ve met, I wouldn’t have worked with my father, I wouldn’t have a book on people’s shelves that will hopefully be around for another 100 years or so and
that has inspired and given joy to people (Shakespeare’s Words ); it’s the new industrystandard Shakespearean
dictionary. Whilst I may have once resented the fact that they have held back my acting career, I’d never give up the fact that I have written with my father, and I now run my own Shakespeare company. You can absolutely give acting everything you’ve got. Whether you should or not … it’s a tough business, and many, many, many,
many people don’t get to do it.

Why was it important for you to write?

I wrote Shakespeare’s Words  because it needed to be written. There wasn’t a book out there that did what I needed it to do. Same for Shakespeare on Toast  and The Shakespeare Miscellany . I like to write what needs to be written… and I suppose I like the sculpting. Some elements of writing are a bit like acting. You get a big chunk of marble, a basic idea or a character, and you spend,time sculpting away at it until it turns into something you’re content with. I like the craft of writing. Oscar Wilde once said “I was working on the proof of one of my poems all the morning, and took out a comma. In the afternoon I put it back again.” That level of specificity is what I enjoy about film acting as well.

What’s your favourite video game?

I have absolutely no idea. It was only this summer, after doing two books and two plays, that I let myself buy a games console. I’m currently being absolutely terrified by Alien: Isolation . The makers went back to the archives of Ridley Scott’s first Alien  movie and took photographs of the set and turned them into a computer
game. It’s like wandering around the film, so it’s kind of interesting and terrifying. I’ve spent about an hour playing it so far and I still haven’t met anybody else. Scary! There is some seriously impressive stuff being made out there. I could kid myself into saying that it’s research… Actually, it is research because I’ve had to audition for some video games recently as a motion capture actor. I just played a video game called The Last of Us , a kind of a zombie thing, and much as it pains me to say it, there were three or four occasions when the acting in the game choked me up. The acting was that good, and the script was that good; it was utterly compelling. It completely suspended my disbelief. I like having my disbelief suspended. That’s what I want to do in the theatre. I like to be taken out of my world and to forget about my woes and troubles and just get caught up, and maybe be left with something to think about in relation to my woes and troubles afterwards.

What does the tattoo on your forearm say?

It says “Nothing will come of nothing”. It’s a line from the opening scene of King Lear . It’s written in my father’s writing, my gran’s and my mum’s. It’s one of my favourite lines from Shakespeare and it means I’ll
always have my folks with me.

What’s your favourite Shakespeare play?

Whichever one I’m working on! But probably King Lear .

Favourite sonnet?

That is very, very difficult. Eighty-one is pretty good.
7 novembre 2014
La fascination pour Shakespeare est semblable à la fascination pour Wagner : on est devant un monde à part, d’une richesse incroyable, dans lequel on pénètre peu à peu, en ayant l’impression que ce monde grandit au fur et à mesure qu’on avance…
8 novembre 2014
D’après le livre de Crystal, 98% des mots utilisés dans Shakespeare sont de l’anglais utilisé et compréhensible encore aujourd’hui. Il a aussi inventé 1700 mots nouveaux encore utilisés aujourd’hui (even-handed, far-off, hot-blooded, schooldays, well-respected, fair-play, useful, moonbeam…) et des tas de phrases que l’on entend encore dans le langage courant( all that glitters is not gold, to thine own self be true, too much of a good thing…).

23 novembre 2014
Peter Sellars :
"The artist's work is to lift people out of their usual sense of their own cosmos into a higher vision of what's going on up there."
Trouvé une extrardinaire interview de Peter Sellars
http://www.pbs.org/wgbh/questionofgod/voices/sellars.html
You've said that opera has always been about the gods. What exactly did you mean by that?
PETER SELLARS: Well ... human beings need permission, and usually that's metaphor, to recognize that there are many layers of reality moving at any given moment, and that every small gesture has very large consequences. So opera is this amazing form, which takes a gesture, and understands it through music, poetry, dance, visual art, all at the same time.
A whole galaxy is in place around these four actions. You thought you were just writing a letter to someone, but in fact, there was a whole symphony orchestra playing. In fact there was a chorus singing. In fact, it's like a bigger deal. Opera constantly gives you that perspective shift; that glimpse of spiritual activity inside of the simplest and quietest moments.
For me, one of the hardest things to deal with about the 20th century — and I'm very relieved that it's finished — is that it was so absorbed in psychology and the self. Psychology is probably the least interesting thing going on in your life. At the end of the day, reducing your life to your own psychological problems is to devalue your place in history, is to devalue your political commitments, is to devalue what we're all doing here for each other. It is to devalue what overwhelming waves of spiritual energy or insight are breaking upon us, in the midst of these catastrophes, and not to get that life is difficult for a reason. It's not to get that we are actually being pushed, and pulled, and drawn out of ourselves.
This obsession with the self is of course exactly the opposite of centuries of spiritual seeking, which were all about how to escape the self. How can we finally annihilate this thing called the self, and literally transcend it?
That's what's so liberating about opera, because nobody can do it alone. The soprano is dependent on the oboe player, who is dependent on the person whose finger is on the switch on the light board, who is dependent on the person who raised the curtain, who is dependent on the person who tore the ticket, who is dependent on the person who served you your drink at intermission.
Hello! You're having this total experience. No part of it could ever be isolated — it's only possible because the whole cosmology comes into play. And human beings are doing this astounding thing, which is working together to make something that is way beyond their individual selves, or capacities, and that lifts everybody to a new place.
In order to do what you say, one needs a kind of openness to the real spirit. As an artist, how do you take that notion to your work, and then give it out?
SELLARS: One of the things that artists can do is liberate theology from doctrine. You know, one of the things that I've been working on for the last dozen years is staging the sacred work in a secular context. I've been staging the life of St. Francis, a Buddhist sutra, and now the life of Mary. But not in a church, not in a synagogue, not in a mosque. In a theater — in a secular society.
You can go into the Sistine Chapel, and believer or nonbeliever, you get the picture. Michelangelo sees to that. And at some point, the place at which we all believe is illuminated and opened, in a genuinely breathtaking way.
Start with the fact that Michelangelo is very insistent that there's only one direction you can look, which is up. You've spent your whole life looking at your feet, and now, guess what? Look up. That's very beautiful. That sense of lifting people out of their usual sense of their own cosmos, into a higher vision of what's going on up there, is an artist's strategy.
You feel it physically, in the back of your neck, as you stand in the Sistine Chapel. It's exhausting. You can't look that way for a long period of time, and suddenly you realize how out of practice you are, in terms of living in that stratum of experience. It's a strain.
What's marvelous is that church teachings are embedded in this experience. But also, the experience itself goes beyond the letter of the law and moves into the realm of the spirit. And, I think, over the course of history, theology has always had to be liberated through poetry, through music, and through images.
So now that we're in the 21st century, where do you see us going?
SELLARS: Well, for me, two of the things that are so liberating right now are that women are artists, and we know their names for the first time. You can't read Freud again the same way after Alice Miller. Alice Miller just says — Wait a minute, we're not going to swallow this Freud stuff. He needed women to be a certain thing to prove his theories, but in fact women aren't that.
As you know, in World War I, 90 percent of the casualties were soldiers. And in our current wars, 90 percent of the casualties are civilians. Women and children are now the targets. And maybe they're hysterical for a reason; maybe that hysteria is not out of control. Maybe they see something that everyone else is denying.
And actually, let's talk to those abused women and children, and begin to recognize some things that we're sensitized to in a way perhaps Freud wasn't. So to me, it's the idea that the hysterical woman now has a voice.
So often, theological writings by men are primarily concerned with the mind. C.S. Lewis does it magnificently, but it's an imaginative universe. It's all in the mind. Women's spirituality tends to be quite the opposite. It's in the body. It's in the flesh. You are mother Mary. You are carrying God's child. It's not an idea. It is in your flesh, and bones, and blood. And this incarnated spirituality, this spirituality that is in a woman's body, that is connected to the earth, and connected to the sky, and connected to the miracle of birth, is very different.
For me the 20th century was most profoundly witnessed by Simone Weil in the heart of France, during the Nazi occupation. And in the tradition of the women mystics — whether it's Hildegard of Bingen, or Theresa, right through our own period with Weil, women are the ones asking the question of — What are we really doing? Who is starving? What are the conditions of the workers all over the world? These are the proper questions for theology. These are the proper questions about how we are doing, as humanity.
And it took a woman like Weil to say — I'm not just going to correspond with my colleagues in the philosophy department. I'm going out to this Renault factory, and I'm going to work on the assembly line. — Simone Weil trying to teach Plato in the Renault factories, in 1930s France. And it took a woman intellectual to say in 1943 — Yes, I'm living here in London. It's comfortable. There's enough food. But I will not eat one more bit of food than my fellow citizens are eating in the camps at this moment. — Recognizing that our fates are that intertwined. Recognizing there's no backstage and forestage. We're all one picture.
That penetration, that courage, and that willingness to put the suffering of others into your own body, and experience it in your own body — that is a particularly feminine spirituality. And a spirituality that comes from cooking for people, caring for people. Being with the helpless, and helping. So the 21st century is about that — community building at the grassroots, setting aside our institutional thinking, and just starting to take care of each other much more attentively.
You're very much an optimist. In the 21st century, what is going to cause a shift away from self-absorption?
SELLARS: Despair. When people search and search, and feel empty and betrayed and hopeless, through their own vulnerability and desperation, they finally are broken.
God is fond of a contrite spirit. And sometimes the only way to get past the ego is when it's finally, horribly, violently crushed. And you feel like nothing. And you can take your first honest steps. So, "optimism" is not the word I would use. I would say "hope."
It's no accident that societies that have the most material advantage have the least hope. If you spend your life in parts of the world like Bangladesh, or central Africa, where people should not still be alive, how can they be alive one more day? It can't be possible. And yet, they're alive, again, today. That's about hope.
You've dealt a lot in your work with love, as it's expressed in great works of art. What have you learned about the connection between spirituality and love?
SELLARS: It's one of the longest and deepest traditions, particularly in Sufism and Islam, that we spend our lives in longing. And that the deeper this longing, the more sense of the beloved. God is known to us through his absence — Simone Weil is also beautiful on this point. Because love is measured in how in love you are with somebody even when you're not near them — especially when you're not near them. Do you still keep them in your heart? Or, is it out of sight, out of mind?
So, absence is the demonstration of this love, this longing for the distant beloved, this devotion to what your eyes can't see. And offering everything you can offer to what your eyes can't see is the most beautiful gesture, of focusing all your attention outside of yourself and overcoming the nightmare of selfishness. And finally just living for others — living for larger community — living for your love.
The history of art is mostly about that kind of devotion. I only have to say the words "Romeo and Juliet" and right away you go to a very special, amazing, beautiful place that feels so warm inside. They defied every convention — the racism and bigotry of their parents, the divisions of their society, the political and social barriers. And as two young people, they chose to live for their love. That they also died for it doesn't make the story less compelling, but more compelling.
So love is about understanding things don't work out the way you had in mind. In the process, you're almost destroyed. Or maybe you are destroyed, as Romeo and Juliet were destroyed. But that destruction is the threshold to a love that echoes across centuries.
So, with all that you believe, how do you deal with the loss of someone that you love? Or the pain, the grief, and the suffering of seeing friends ill. How do you deal with that pain?
SELLARS: The great Muslim philosopher, al-Ghazzali, has a beautiful sentence in his book, The Alchemy of Happiness, where he describes pain and sickness as a chord of love by which God draws those closer to himself that he wants to be with.
Sickness takes you out of the affairs of the world, out of all these petty things that you think are so important every day. And the pain itself sharpens your focus. I mean, it's very moving, because I think a lot of physicians in terminal wards are recognizing the limits of science. And that actually science, technology can't help you with a good death. What does it mean to die well? It's the science of the heart. And in the long view, the absence is as important as the presence. Who's still with us, really, and how we live for them still.
You know, in most cultures, theater, dance, and music were never intended for the living. They were always for the dead. In Korea, in Africa, in aboriginal Australia, you danced for the spirits of the dead. To let them know you're still thinking of them, you still care about them, you still cherish them. And if they died in pain, if they died in unhappiness, if they died with something incomplete, or in the midst of injustice, you spend those years making it up to them. And letting them know that your life won't be in balance either, until it's made up for them.
Most of the history of art, over and over again, is about death. We're a society that can't really deal with it, but most of Bach's music is about dying and how to die, and the meaning of death. The culture in Tibet is all around dying well. The science of the heart, in Central Asia, is totally understanding every day of your life in terms of death, because it's your meditation on death that empowers your life. As soon as you acknowledge that you may not be here five minutes from now, or five days from now, you ask yourself, "What is important to do?" Death is the best guarantee against wasting time.
24 novembre 2014
When they came, we had the land and they had the bible in their hands. They told us to pray. We closed our eyes. When we opened them, we had the bible and they had the land.
Tutu. .
25 novembre 2014
Ma petite fille me demande des titres de littérature romande à lire pour l’école. Il y en a plus qu’on croit : Benjamin Constant, Anne Cunéo, Nicolas Boouvier, Corinna Bille, Ramuz bien sûr, et beaucoup d’autres, faut-il compter Rousseau ? Cela me donne envie de relire La vie de Samuel Belet, un des chefs-d’oeuvre de Ramuz. .
26 novembre 2014
Lu Samuel Belet d’une traite. La fin est une espèce d’apogée, comme en musique. En fait, ily a des œuvres littéraires qui semblent amener à une espèce de conclusion, un sommet d’intensité, une apogée, comme en musique…
A la fin de ce livre il y a un passage admirable, qu’il vaut la peine de recopier :
Je m’étonne d’être aussi calme. C’est depuis le soir du jeu de quilles, quand j’étais assis sur les traverses par où la boule redescend, et je venais de tomber sur la route, et je tenais ma tête dans mes mains ; tout à coup, il se fit un décrochement en moi, comme si les fruits mûrs tombaient tous ensemble de l’arbre, et les branches se redressaient.
C’était le soir du jeu de quilles ; je me disais : « Tout est fini ! » Je m’étais mis à hocher la tête, je me répétais : « Tout est fini ! » Mais c’est souvent quand on se croit perdu que le salut est le plus proche, et cette fin qu’on croit voir devant soi n’est alors qu’un commencement.
Je ne m’en doutais pas encore, ce soir-là, étant assis comme j’ai dit, et où j’allais aboutir, je ne le voyais pas encore ; il faisait doux, je me rappelle ; une étoile tremblait au ciel ; c’était un soir comme les autres soirs, sauf que j’avais un peu trop bu et que j’avais mal à la tête ; et du temps encore a passé ; et puis brusquement je me suis levé, et je n’étais plus le même homme, et voilà, enfin, j’étais moi.
Il m’y a fallu du temps, je sais bien, puisque c’est même là toute mon histoire, mais est-ce qu’il est jamais trop tard ? Chaque pas que j’ai fait a été comme quand, avec les yeux, on va d’une lettre à l’autre dans les livres ; prises séparément, elles ne sont rien, et les mots eux-mêmes ne sont rien ; on doit aller jusqu’au bout de la phrase : c’est au bout de ma route que le sens est venu.
Je ne savais pas aimer, il a fallu que j' apprenne ; quand j’ai su, c’était trop tard. Ceux-là s’en étaient allés loin de moi qui auraient eu besoin de moi et de ma science nouvelle ; je ne trouvais plus que le vide là où ils avaient habité ; il n’y avait plus que du silence là où avaient été leurs voix. « C’est comme ça. Ai-je pensé, ton erreur était d’attendre tout d’eux, quand ils attendaient tout de toi. » Mais j’ai redressé la tête. . «Perdus ? ai-je pensé, rien n’est jamais perdu. Tu dis qu’ils sont partis, regarde seulement en toi. Tâche de montrer qui tu es ; et, puisque tu prétends que tu vaux mieux qu’avant, tâche de le prouver, que tu vaux mieux qu’avant, sans quoi on dira que tu as menti et on aura raison de le dire. »
Alors je me suis penché sur moi, et j’ai vu qu’ils étaient vivants. Comme quand il y a du brouillard dans les bois, et d’abord on ne voit que le contour des choses, ainsi des formes vagues se sont d’abord montrées et je ne reconnaissais rien. Mais tout à coup le soleil a paru, une déchirure s’est faite, et c’était comme si les morts se secouaient de leurs linceuls, et ils se dressaient devant moi. *Ah ! c’est vous», ai-je dit ; et eux ils disaient : «Ah ! c’est toi. »
Je n’ai pas su aimer à temps, c’est vrai, mais à présent j’aime en arrière. Ce passé qui n' est plus est repris jour à jour ; ce qui n’a pas été assez vécu est revécu ; les mots qui n’ont pas été dits, alors qu' ils étaient nécessaires, ils me viennent en foule à la bouche ; et eux, n’est-ce pas ? ils m’entendent, eux à qui je m’adresse, en me tournant vers eux, avec tous ces mots doux. Ils revivent aussi par cette voix que je leur prête, et eux ils me prêtent la leur, et je suis en eux et ils sont en moi. J’ai tout accepté, je suis libre.
Les chaînes du dedans sont tombées et celles du dehors aussi. On se tend les bras, on se parle, on est ensemble ; il fait soleil par le lac où je suis avec mon bateau. Et les gens sur la rive, quand ils regardent de mon côté, me voyant penché sur l’eau bleue qui brille : « Tiens ! disent-ils, voilà Belet qui surveille son poisson. » C’est qu’ils ne savent pas. Ils ne savent pas que c’est sur une autre eau que je me tiens penché, quoique tout aussi bleue et tout aussi limpide, maintenant que le vent, qui l’avait un instant troublée, est complètement retombé.
Mais j’ai besoin d’être seul, c’est pourquoi je vais ainsi au petit débarcadère, et j’amène à moi la chaîne, et je fais tomber le crochet.
Je m’assieds sur le banc du milieu, j’empoigne les rames ; je tire dessus de tout mon poids, me renversant ; et eux alors, là-bas, n’est-ce pas ? ils m’attendent, et je me dis bien qu’ils me voient venir.
La terre m’a quitté, avec tout ce qui est petit ; je laisse derrière moi ce qui change pour ce qui ne change pas. Que je me tourne seulement un peu et la rive disparaît tout entière ; il ne reste plus que le ciel et l’eau. Encore est-ce la même chose, à cause e l’image des nuages renversée qui se balance autour de moi, et ce bleu, aussi renversé, par quoi elle a une couleur.
Il n’y a plus de différence en rien ; tout se confond. Tout se mêle ; est-ce au-dedans de moi ou au-dessous que je regarde ? Mais ils sont là, et je les vois. Je ne suis plus jaloux ; eux, ils n’ont plus peur. Au lieu de reculer, ils se soulèvent sur le coude ; moi, je me penche encore un peu. Ils sont tous là, comme je dis. C’est ma chère maman qui est morte quand j’étais petit ; c’est M. Loup qui a été bon pour moi et pour qui je n’ai eu que de l’ingratitude ; c’est Adèle, la pauvre Adèle ; c’est le petit Henri que je n’ai pas su aimer quand j’aurais dû et je n’ai pas su le retenir près de moi quand j’aurais dû, alors il est sorti de la vie ; mais c’est surtout toi, Louise, parce que tu es quand même, parmi tous et toutes, la plus chère et douce à mon cœur. Toi non plus, je n’ai pas su t’aimer, du moins comme il aurait fallu ou comme tu aurais voulu ; je t’ai aimée à ma manière, non à la tienne ; je n’ai jamais pu m’oublier ; et ainsi tu te tourmentais, cherchant à me cacher ta peine, mais je le voyais bien quand même ; et c’était vers la fin, tu sais, pourtant tu ne te plaignais pas. Mais tu es là, et il n’en faut pas plus. Vois-tu, tout est changé, je ne suis plus le même. Je n’ai plus cet air sombre, je n’ai plus ces silences, ce pli entre les yeux ; je suis devenu le vrai Samuel ; je t’aime maintenant, Louise. Et c’est pourquoi plus rien ne nous sépare, quand je regarde ainsi et me penche vers toi, et vers tout mon passé vivant, et cette eau claire où tu te tiens ; et je dis « Souris-moi » parce que tu sais, toi aussi. Et, toi aussi, tu te soulèves ; il me semble que je te vois monter hors de la profondeur vers moi ; je me penche davantage. Tu t’élèves toujours plus ; et nos lèvres alors se touchent et ma main va dans tes cheveux.
Car tout est confondu, la distance en allée et le temps supprimé. Il n’y a plus ni mort, ni vie. Il n’y a plus que cette grande image du monde dans quoi tout est contenu, et rien n’en sort jamais, et rien n’y est détruit ; c’est un degré de plus, il faut encore le franchir.
Qu’importe alors mon existence et le peu que je suis, limité dans ma chair ? Qu’elle cesse, mon existence, je rentre dans l’autre existence ; elle est la petite, il y a la grande ; et mourir, c’est remonter. Je me dis : «Je remonterai » et je suis tranquille. La nuit peut venir sur mon être, je sais que la lumière ne s’éteindra jamais pour les parcelles de mon être, et cette poussière de mon être qui a été serrée ensemble et au jour qu’il faudra s’éparpillera de nouveau, comme ces bonshommes de boue que font les enfants quand il pleut.
Il ne me reste qu’à attendre et à vivre de mon mieux jusqu’au terme fixé. Car l’essentiel est qu’il faut vivre quand même et il faut mourir encore vivant Il y en a tant qui sont déjà morts quand la mort de la chair vient les prendre. Ils sont morts dans leur cœur depuis longtemps déjà, quand arrive la mort du corps ; et c’est sur ce cœur que je veille, afin qu’il dure jusqu’au bout.
27 novembre 2014
Où ai-je vu des apogées à la fin d’un livre ? Il me semble : un des livres de Soljénitsine, de Eco, de qui encore. A rechercher…
Mort de P.D.James, écrivain de romans policiers très connue. Je m’apperçois que je n’ai jamais rien lu d’elle. Vite mon Kindle, pour un exemple. Ce sera Death in Holy Orders. Quelques pages me convainquent : en tous cas c’est très bien écrit…
28 novembre 2014
De Amiel :
Le moyen de ne rien apprendre, tout en travaillant, c’est de voltiger d’un ouvrage à l’autre, ou de trop lire d’une haleine.
On ne peut mieux dire, Amiel mon ami, mon frère…


1 décembre 2014
Vu la Pantomine de GAOS : Once upon a time. Pas mal, pas mal du tout. Revu quelques amis acteurs : Stanley, Nick, Vicki, Frou-Frou… Comme le temps passe vite.
Vu le film très discuté auourd’hui : Interstellar. Pas extraordinaire. Joue habilement avec les paradoxes du voyage dans le temps, mais sans trop insister..
Dans le film, on répète plusieurs fois un très beau poème. Après quelques recherches, je découvre que c’est un poème de Dylan Thomas.

Do not go gentle into that good night,

Old age should burn and rave at close of day;

Rage, rage against the dying of the light.



Though wise men at their end know dark is right,

Because their words had forked no lightning they

Do not go gentle into that good night.



Good men, the last wave by, crying how bright

Their frail deeds might have danced in a green bay,

Rage, rage against the dying of the light.



Wild men who caught and sang the sun in flight,

And learn, too late, they grieved it on its way,

Do not go gentle into that good night.



Grave men, near death, who see with blinding sight

Blind eyes could blaze like meteors and be gay,

Rage, rage against the dying of the light.



And you, my father, there on the sad height,

Curse, bless, me now with your fierce tears, I pray.

Do not go gentle into that good night.

Rage, rage against the dying of the light.
8 décembre 2014
Il semble que le résultat le plus intéressant de Curiosity est que non seulement il y a eu de l’eau autrefois, mais qu’il y en a eu beaucoup et très longtemps, peut-être plusieurs dizaines de millions d’années. La question de la vie qui aurait pu s’y développer devient donc très actuelle et significative. Mais il semble qu’il sera extrêmement difficile de déterminer la réponse à cette question. Il est d’ailleurs très difficile sur terre aussi de déterminer les traces très anciennes de vie…
http://www.nytimes.com/2014/12/09/science/-stronger-signs-of-life-on-mars.html
For lifeless chemical compounds to organize themselves into something alive, scientists generally agree, three sets of things must be present:
■ Standing water and an energy source.
■ Five basic elements: carbon, oxygen, hydrogen, phosphorus and nitrogen.
■ And time, lots of time.
In its search for environments where life might have started on Mars, the Curiosity rover has found the standing water, the energy and the key elements with the right atomic charges. As a result, scientists have concluded that at least some of the planet must have been habitable long ago.
But the period when all conditions were right was counted in hundreds to thousands of years, a very small opening by origin-of-life standards.
That has now changed. John P. Grotzinger of Caltech, the project scientist for the mission, reported at a news conference on Monday that the rover’s yearlong trek to Mount Sharp provided strong new evidence that Gale Crater had large lakes, rivers and deltas, on and off, for millions to tens of millions of years. The geology shows that even when the surface water dried up, plenty of water would have remained underground, he said.

9 décembre 2014
Je me suis mis dans un site qui envoie un nouveau poème chaque jour. La plupart du temps, ce sont des poèmes contemporains, parfois intéressants, souvent médiocres. Mais aujourd’hui, ô surprise, un chef-d’œuvre d’Emily Dickinson : A Day

I’ll tell you how the sun rose, —
A ribbon at a time.
The steeples swam in amethyst,
The news like squirrels ran.
 
The hills untied their bonnets,
The bobolinks begun.
Then I said softly to myself,
“That must have been the sun!”
 
But how he set, I know not.
There seemed a purple stile
Which little yellow boys and girls
Were climbing all the while
 
Till when they reached the other side,
A dominie in gray
Put gently up the evening bars,
And led the flock away.


12 décembre 2014
Un autre très beau poème fourni par a poem a day : To Winter de William Blake

O Winter! bar thine adamantine doors:
The north is thine; there hast thou built thy dark
Deep-founded habitation. Shake not they roofs
Nor bend they pillars with thine iron car.
 
He hears me not, but o’er the yawning deep
Rides heavy; his storms are unchain’d, sheathed
In ribbed steel; I dare not life mine eyes;
For he hath rear’d his scepter o’er the world.
 
Lo! now the direful monster, whose skin clings
To his strong bones, strides o’er the groaning rocks:
He withers all in silence, and in his hand
Unclothes the earth, and freezes up frail life.
 
He takes his seat upon the cliffs, the mariner
Cries in vain. Poor little wretch! that deal’st
With storms, till heaven smiles, and the monster
Is driven yelling to his caves beneath Mount Hecla.

13 décembre 2014
Fini le livre de P.D. James. Pas terrible. Très bien écrit, mais le suspense est nul, c’est juste une histoire…sans même rebondissement final.
Les Maîtres Chanteurs au Met, retransmis au cinéma. Magnifique. Quelles voix ! Cela vaudrait la peine de vivre à New York, juste pour le Met.

14 décembre 2014
Un nouvel thème de réflexion : de quoi aurait l’air une société qui repecterait parfaitement les contraintes environnementales ? On a longtemps cru qu’on pourrait garder la même société, avec les mêmes motivations et le même confort, et le capitalisme bien sûr,  en utilisant au maximum les possibilités techniques d’amélioration, notamment pour l’énergie. A la Lovins. On y croit de moins en moins…
 Je cite ici un article paru dans NYRB  du 4 déc 2014 et qui parle d’un livre : This Changes Everything : Capitalism vs. The Climate par Naomi Klein. Vite mon Kindle. En exergue de ce livre, une citation d’un auteur de Science Fiction : Kim Stanley Robinson :
« In my books, I’ve imagined people salting the Gulf Stream, damming the glaciers,….raising Florida 30 feet to get it back aboce water, and (hardest of all) comprehensively changing capitalism »
Re-vite mon kindle.

15 décembre 2014
Un article paru dans le Monde du 14 décembre :
« Mettre la question écologique au service de l’emploi »
Dominique Meda, sociologue, imagine ce que serait le travail dans une société d’après crise


Dans la fiction « Anarchy», la crise économique, politique et militaire a fait émerger une autre hiérarchie des métiers, alors que les salaires n’ont plus de valeur. La France est sommée par l’ONU de se reconstruire.
A quoi peut ressembler le travail dans cette société de l’après-crise ? Dominique Méda, sociologue titulaire de la chaire «Reconversion écologique, travail, emploi, politiques sociales » au Collège d’études mondiales, se penche sur la question.
Dans la France d’ « Anarchy », les cadres sont devenus inutiles. Les métiers manuels sont recherchés. Comment expliquer ce phénomène ? Les métiers qui ne satisfont pas les besoins vitaux ont perdu leur intérêt : comme dans les société précapitalistes ou en guerre, il faut se procurer l’essentiel. Les métiers agricoles et manuels reprennent la première place. Ce processus apparaît déjà dans ce qu’on appelle les « sociétés résilientes » – qui se préparent à un changement climatiqu majeur et développent l’agriculture urbaine et la production d’énergie. Dans le monde d’ « Anarchy », les machines industrielles sont devenues inutilisables.
Les tâches manuelles se font plus lentement, des emplois se créent dans l’alimentation, le recyclage, l’artisanat, etc. Les personnes actuellement considérées comme improductives (SDF, chômeurs, etc.) retrouvent soudainement leur utilité.
Et si la machine économique se remet en marche ? L’un des scénarios possibles, très à la mode, est celui du basculement dans une phase d’automatisation exponentielle au terme de laquelle la majeure partie du travail serait prise en charge par des robots. Une note du Massachusetts Institute of Technology de janvier 2012 (« Race Against the Machine », Erik Brynjolfsson, Andrew McAfee, MIT, 2012) valide la thèse de la « fin du travail » et, selon une étude de chercheurs d’Oxford (« Le futur de l’emploi : quel degré d’automatisation sont susceptibles d’atteindre les professions ? », Carl Benedikt Frey et Michael Osborne, Oxford, 2014), dans dix ou vingt ans, 47 % des emplois américains auront disparu. Quoi qu’on en pense, une telle évolution, non contrôlée, conduirait à une polarisation catastrophique de la société : aux manipulateurs de symboles et aux leaders charismatiques, le travail passion, aux autres l’exclusion.
Comment éviter cet emballement ? En mettant en discussion l’intérêt et la probabilité d’un tel scénario. Keynes et Arendt ont attiré l’attention sur la dépression qui pourrait saisir des sociétés « fondées sur le travail » si elles sont brutalement privées d’emploi. Il existe des scénarios moins déterministes, plus volontaristes. Ils prennent plus en considération les bouleversements qu’exige la prise en compte des contraintes écologiques : relocalisation de la production, développement de l’agro-écologie, transformation des modes de production et de consommation, lutte contre la financiarisation, extension des biens communs. Des évolutions qui doivent être débattues et contrôlées de manière à organiser un partage « civilisé », et non pas sauvage, du travail et des revenus.
Que préconiser ? L’écologique et le social doivent être liés. C’est de la question écologique – et du constat que la croissance génère des bienfaits mais aussi des maux – que nous devons partir pour tenter de mettre sa résolution au service de l’emploi.
L’idéal serait d’assurer la production nécessaire à la satisfaction des besoins essentiels en prenant soin de notre patrimoine naturel et du travail. Cela suppose d’engager nos sociétés dans la reconversion écologique en faisant en sorte de redistribuer le travail existant sur l’ensemble de la population active et de poursuivre des gains de qualité plutôt que des gains de productivité. Ainsi pourrions- nous aussi sortir du malaise au travail, qui s’est aggravé depuis la fin des années 1980. Le modèle social français a disparu dans « Anarchy ». Est-ce souhaitable ?
Contrairement à l’idée répandue selon laquelle le modèle social de 1945 serait inadapté, je pense que nous devons renouer avec ses principes. Alain Supiot l’a rappelé, la Déclaration de Philadelphie de 1944 – selon laquelle « le travail n’est pas une marchandise » – délivre un message toujours d’actualité : si l’on veut un paix durable, il faut préserver la solidarité et la justice sociale. Sur quelles normes le travail doit-il être repensé pour reconstruire une société plus juste ?
Nous devrions régler notre réflexion sur d’autres critères que la recherche de la croissance et du profit. Le progrès devrait être redéfini, et ne plus être confondu avec la quantité de biens et de services produits. Nous devrions produire – et consommer – moins, et mieux, en respectant des objectifs qui se formuleraient en points de santé sociale, d’empreinte écologique, de qualité de l’air et de l’eau…
Dotés de nouveaux indicateurs de progrès, nous pourrions fabriquer une production plus propre, répartie sur un plus grand nombre de personnes, réalisée par des organisations gouvernées de manière plus démocratique. Et ainsi opérer un partage civilisé du travail et libérer du temps pour des activités porteuses de sens et de lien. Cela suppose l’édiction de normes internationales sociales et environnementales et des institutions susceptibles d’en contrôler le respect. P

21 décembre 2014
Un ami me fait lire un article de la NZZ du 20 décembre (Gottéried Schatz, prof. émérite à l'Université de Bâle intitulé: "Urkanall, Sternenasche und ein Fragezeichen: über die Suche nach dem Sinn unseres Lebens" ) qui essaye une fois de plus de mettre une limite à la connaissance scientifique, limite au delà de laquelle on verrait poindre les grandes questions métaphysiques, menant peut-être à la nécessité de Dieu. Je cite une phrase : « Vor dem Urknall steht ein Fragezeichen, das sich der Wissenschaft entzieht ». Cette phrase n’est pas correcte. Personne n’en sait rien. Il est probable que ce que nous appelons le temps a commencé au Big Bang. Mais cela ne veut pas dire que le Big Bang n’a pas été causé par des événements qui se seraient déroulés dans d’autres dimensions dans un hyper-univers plus large, et beaucoup de scientifiques espèrent pouvoir un jour détecter des signaux de cet hyper-univers, ou se faire au moins une idée plus précise de qu’il pourrait être.
Ce n’est pas à la limite des connaissances scientifiques que l’on doit chercher les questions métaphysiques. En réalité il n’y en a que deux, fondamentales : pourquoi y a-t-il quelque chose et non pas rien ? question formulée en premier par Leibnitz, dont il est impossible de connaître la réponse. Et ensuite : puisque tout événement a une cause, du moins dans le monde que nous connaissons, on doit aller de cause en cause jusqu’à une cause première, qui est cause d’elle-même, qui EST, tout simplement. Cette cause peut être l’ Univers total, qui tout simplement EST, ou bien DIEU. Aucune démarche scientifique ne permettra jamais de choisir entre ces deux possibilités. Personnellement j'ai beaucoup plus de difficultés avec le concept de Dieu, (qui est-il , qu'est-ce qu'il fait d'autre que de créer un univers matériel, qu'est-ce  pour lui que la matière etc, etc) qu'avec un concept d'UNIVERS qui EST tout simplement.

24 décembre 2014
Sur le sens de la vie, quelques réflexions :

La recherche de la dignité et du sens de la vie, et de la vie de chacun de nous, est évidemment au cœur de l’expérience humaine. L’expression « sens de la vie » recouvre cependant plusieurs sens différents, que l’on peut regrouper peut-être en deux catégories : le sens métaphysique (pourquoi suis-je ici, pourquoi la vie, pourquoi l’homme etc) et le sens moral (quelle direction dois-je donner à ma vie).
Le sens métaphysique est clairement un héritage de la tradition chrétienne. Celle-ci a donné et donne encore un sens magnifique à la vie : celui d’arriver, après la mort, dans un monde où les injustices et les souffrances de la vie seraient compensées dans un bonheur éternel, du moins pour les élus. Et, parmi ceux-ci, si on en croit l’esprit de l’Evangile, il y aurait tous les pauvres et les opprimés de la terre. Que peut-on rêver de mieux ? Ce rêve a disparu pour beaucoup, et le sentiment qui prévaut alors, c’est celui de l’absurde, de l’absence total de sens. D’autres religions se consolent avec la réincarnation, ou la dissolution dans le Tout. Mais il ne faut pas oublier que pour beaucoup d’hommes, maintenant et dans le passé, l’idée d’une suite de l’existence individuelle après la mort n’existait pas, et la vie n’apparaissait pas absurde non plus. Pour l’homme commun, dans la plupart des civilisations du monde, ce qui compte ce n’est pas nécessairement l’existence d’un Dieu, mais la communication entre les hommes, et la communication avec les morts. Ce qui compte, c’est de ne pas perdre l’amour et la compagnie des siens, qu’ils soient vivants ou morts. Et l’existence de la mort, que notre civilisation essaie d’oublier, est évidemment au centre de la vie des hommes depuis toujours.
Pour les penseurs classiques, Socrate, Platon, Aristote et les autres, la philosophie concernait en priorité la recherche éthique : comment doit-on conduire sa vie pour atteindre le bonheur. Et c’est le sens que retrouve aujourd’hui le monde contemporain, y compris parmi les hommes qui essaient de croire en Dieu : le sens de la vie, c’est l’amour entre les hommes, c’est la solidarité. C’est aussi le bonheur que donne la pratique ou la contemplation de l’art. Et l’immense joie que donne la découverte de la richesse du monde naturel et de ses règles : le monde de la vie, le monde des particules élémentaires, le monde de l’espace et de la possibilité de la  vie extraterrestre.  Tu dis que pour toi contribuer à améliorer la condition humaine en société est suffisant pour donner un sens à ta vie.  Tu es clairement dans la tradition éthique de cette problématique.
L’auteur de l’article qu’on m’a signalé l’autre jour, fait un détour par des résultats récents de physique et de biologie pour trouver une réponse, grand bien lui fasse. Ce qui me frappe un peu dans son article, c’est qu’il frôle sans cesse des opinions qui sont à la source de ce que pensent les croyants. Cà ne m’étonnerait pas qu’il soit très hésitant encore sur cette question. Exemple le Big Bang, que j’ai déjà cité, mais aussi quand il dit que l’apparition de la vie était très improbable, ou quand il traite implicitement l’apparition de l’intelligence humaine comme un phénomène unique et récent. Une des grandes questions scientifiques que l’on espère débroussailler est de savoir si l’apparition de la vie est la règle chaque fois que des conditions favorables apparaissent, ou bien est unique ou extrêmement rare. On n’en sait rien. Et aussi si l’évolution à des types d’intelligence technique comme la nôtre dans la Galaxie est commune, ou rarissime, ou peut-être unique. Personne n’en sait rien.

25 décembre 2014
Commencé le dernier livre de Robinson,  2312.