ENJEUX DE LA CONFERENCE DE PARIS SUR LE CLIMAT (COP 21)
UN BREF RESUME
La Conférence de Paris (COP 21) a pour but de mettre en œuvre une collaboration internationale efficace pour lutter contre les changements climatiques. Dans ce but les pays membres de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP) ont été invités à soumettre chacun une offre de contribution nationale pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre, le but affiché étant de maintenir le réchauffement de la planète en dessous de 2 degrés centigrades.
- TROIS QUESTIONS SE POSENT DANS CE CADRE.
- Est-ce que les offres de contributions nationales soumises à ce jour suffisent (si elles sont effectivement mises en oeuvre) à maintenir l’augmentation de température en dessous de deux degrés centigrades[1] ?
- Est-ce que les pays en voie de développement vont obtenir l’aide indispensable pour aller vers une économie décarbonnée ? Et qui va payer, et selon quelle clef de répartition ?
- D’où vient cette limite de deux degrés de réchauffement que la COP s’est donnée comme limite raisonnable ?
Mais avant de répondre à ces questions, il faut revoir quelques données de base.
- DONNEES DE BASE : LES DONNEES PHYSIQUES[i].
- Aujourd’hui la température du globe se réchauffe inexorablement. Depuis 1850 elle a augmenté d’environ 0,85 degrés.
- Aujourd’hui le monde émet environ 49 Gt CO2 équivalents de gaz à effet de serre. (37 Gt de CO2, 12 t CO2 équivalents d’autres gaz, CH4 et N2O etc).
- Depuis le début de l’ère industrielle, le monde a émis environ 1800 Gt de CO2, 200 Gt de CO2 équivalent.
- L’augmentation de température prédite pour l’avenir est de 2 degrés pour 3000 Gt CO2 émis, 2,7 degrés pour 4500 Gt, 3,5 degrés pour 6500 Gt[2].
- Une simple règle de trois montre que, au rythme d’émissions actuel, il faudra 35 ans pour atteindre un réchauffement de 2 degrés, 77 ans pour 2,7 degrés.
En fait les émissions augmentent d’année en année, d’environ 1 Gt de CO2 par an, ce qui rapproche ces échéances et prédit un délai de 15-20 ans pour un réchauffement de 2 degrés. Pour satisfaire à la limite de deux degrés de réchauffement, les émissions devraient diminuer très rapidement, au lieu de continuer à augmenter. Cet objectif est inaccessible à vues humaines et la plupart des experts concluent que le réchauffement dépassera nettement les deux degrés. On parle aujourd’hui de 2,5 degrés au moins.
Les offres de contributions nationales (si elles sont mises en œuvre) permettraient de reporter la limite de 15-20 ans citée ci-dessus de quelques mois. Plus précisément nous avons encore droit d’émettre en tout 1000 Gt de CO2 equivalent pour maintenir la température en-dessous des 2 degrés. Selon les calculs de Climate Action Trackeri, une excellente source d’information, nous aurons, en 2032 émis 1020 Gt si nous ne faisons rien, et 940 Gt si les offres de contributions nationales sont mises en œuvre. Autrement dit la limite des 1000 Gt serait atteinte fin 2031 si nous ne faisons rien, et début 2033 si la conférence de Paris est un succès…Toujours selon Climate Action Trackeri, la poursuite des politiques actuelles mène, à l’horizon 2100, à un réchauffement de 4,1 à 4,8 degrés, la mise en œuvre des contributions nationales à 2,5 à 2,7 degrés.
Ces faits sont résumés au mieux dans la figure ci-dessus: Dans cette figure, des scénarios raisonnables (courbes bleues et rouges) des émissions futures en Gt CO2 équivalent sont portés jusqu’en 2100. A droite du graphique on trouve les réchauffements prévus correspondants. Les scénarios qui tiennent compte des engagements des pays pour la COP21 sont en rouge. La surface en dessous des courbes représente les émissions totales de 2015 à 2100 pour les différents scénarios. En hachuré rouge, on a une surface corespondant à une émission totale de 1000 Gt, qui est la limite pour maintenir le réchauffement en dessous de 2 degrés. On voit immédiatement que les surfaces en dessous des courbes bleues ou rouges sont bien supérieures à la surface hachurée rouge, et les réchauffements vont de 2,5 à 3,8 degrés. Pour maintenir la température en dessous de 2 degrés de réchauffement, il faudrait adopter une diminution rapide des émissions ( courbes jaunes ou vertes) et également des introductions rapides de systèmes de récupération du CO2 de l’atmosphère (voir plus bas). On voit aussi que les engagements des pays n’ont pratiquement aucun effet à court terme, mais que les scénarios bleus (sans engagements) et rouges (avec engagements) diffèrent nettement en 2100.
- QUELLES CONSEQUENCES D’UN RECHAUFFEMENT ?
- Conséquences avérées.
i. Augmentation du niveau des océans : environ 3,3 mm par an actuellement.
ii. Augmentation des épisodes extrêmes (notamment canicules).
iii. Extension des régions à sécheresse, et augmentation de la durée de ces sécheresses
iv. Diminution des glaciers de montagne.
v. Acidification des océans, un phénomène particulièrement inquiétant, aux conséquences très mal connues.
vi. Diminution de la couverture glacière de l’arctique en été.
- Conséquences probables dans l’avenir
i. Continuation des effets décrits sous a. Notamment pour l’augmentation du niveau des océans on attend 40 à 80 cm en 2100 suivant les scénarios, ce qui met en danger des zones à fleur d’eau (notamment certaines îles du Pacifique)[ii]. A plus long terme la montée des eaux sera beaucoup plus importante (effet à retardement), même si la concentration de CO2 dans l’atmosphere n’augmente plus.
ii. Eventuels effets « non linéaires » (qui ne sont pas simplement des extrapolations des tendances passées)
- Disparition des glaces du Groenland.
- Fonte plus rapide que prévisible des glaces de l’Antarctique.
- Changement catastrophique de l’alimentation en eau de certaines régions.
- Migrations gigantesques
- POLITIQUE
- Les questions politiques fondamentales concernent la répartition des efforts entre les différents pays. En se basant sur des offres de contributions nationales, la COP a habilement contourné le problème de la répartition des efforts pour la diminution des émissions. Mais cette question va réapparaître sous une autre forme pour la répartition des efforts financiers.
- Dans ce contexte, il est utile de rappeler que :
i. La décarbonisation de la société pose des problèmes différents pour les différents pays. Par exemple, pour les pays qui dépendent beaucoup de la production d’électricité par des combustibles fossiles, il est facile de concevoir remplacer assez rapidement cette consommation d’énergies fossiles par des énergies renouvelables ou nucléaires. Pour la deuxième étape pour ces pays, et la première étape pour les autre pays, il faut s’attaquer au transport et au chauffage, ce qui est beaucoup plus difficile.
ii. Aujourd’hui les émissions de CO2 sont attribuées à chaque pays selon leur consommation interne. Mais une partie importante des émissions dont un pays est responsable est en fait « exportée ». Ainsi une partie importante attribuée aujourd’hui à la Chine est liée à des productions industrielles à destination d’autres pays. C’est à ces pays qu’il faudrait attribuer la responsabilité de ces émissions.
iii. Il est utile aussi de rappeler qu’une partie importante des émissions de CO2 est à attribuer aux pays riches, et même aux riches des pays riches[3]. En fait, 45% des émissions de CO2 sont dues à 10 % de la population mondiale, alors que les 50% les plus pauvres n’émettent que 13 %.
- Une autre question politique importante concerne la révision périodique des objectifs de réduction. Tout le monde sait que les réductions prévues aujourd’hui seront largement insuffisantes, il faut donc absolument réviser régulièrement ces objectifs, mais cette proposition est encore très largement contestée.
- Enfin, il faudra voir si, à Paris, une convention juridiquement contraignante est signée, ou si on aura simplement une déclaration générale de bonne volonté…
- QUELQUES REMARQUES
- La plupart des effets éventuellement dramatiques d’un réchauffement climatique substantiel se manifesteraient dans un avenir relativement lointain : plusieurs siècles pour la fonte du Groenland par exemple, et l’élévation de plusieurs dizaines de mètres du niveau de la mer qui s’en suivrait. Est-il possible que la concentration de CO2 puisse de nouveau être ramenée entretemps à des niveaux raisonnables par des moyens technologiques appropriés ? Est-il possible en d’autres termes d’extraire à nouveau le CO2 excédentaire de l’atmosphère ? Beaucoup d’idées ont été proposées dans ce but, certaines à la limite de la science fiction. On pense par exemple pouvoir le faire par le procédé nommé BECCS (pour BioEnergy with Carbon Capture and Storage), qui consiste à développer des cultures de biocombustibles (qui soutirent du CO2 de l’atmosphère) puis de les brûler dans des centrales électriques en stockant le CO2 produit dans des réserves souterraines. Mais il faudrait y consacrer d’énormes surfaces de culture…
- En ce qui concerne la limite de 2 degrés acceptée par tous (mais irréaliste), elle semble avoir une origine purement politique et assez ancienne[4]. La plupart des experts pensent qu’elle est déjà trop élevée…
- Finalement, le problème est l’importance qu’on veut donner au principe de précaution. Si on pense que tout cela n’est pas si grave, et que l’humanité trouvera sûrement les moyens de s’adapter le moment venu, alors tout va bien. Si on pense que jouer avec l’équilibre de la planète pour satisfaire à des besoins en grande partie superflus est parfaitement irresponsable, alors il faut envisager des changements profonds de notre société.
NOTES ET REFERENCES
[1] Notons que les pays qui ont soumis leurs offres de contributions nationales émettent ensemble environ 90 % de gaz à effet de serre.
[2] Attention : il s’agit des valeurs les plus probables, car l’incertitude est assez grande. Pour un doublement de la concentration de CO2 dans l’atmosphère par exemple, on prévoit une augmentation de 1,5 à 4,5 degrés, 3 degrés étant la valeur la plus probable.
[4] Stefan Aykut et Amy Dahan Gouverner le Climat ? Presses de Sciences Po
[i] Voir les rapports de l’IPCC : https://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar5/syr/SYR_AR5_FINAL_full.pdf
et de l’AIE : http://www.iea.org/publications/freepublications/publication/weo-2015-special-report-energy-climate-change.html
voir également l’excellent site d’information : http://climateactiontracker.org/
[ii] Dans des articles de journaux, on parle d’augmentations beaucoup plus importantes du niveau des mers. Il s’agit là d’effets à long terme. En effet, il est beaucoup plus facile d’évaluer la quantité de glace qui va fondre avec un certain réchauffement que d’évaluer la vitesse avec laquelle cette fonte va se produire : voir http://sealevel.climatecentral.org/uploads/research/Global-Mapping-Choices-Report.pdf